Portaitisation cruelle mais délicate d'une aristocratie finissante et de ses domestiques, enveloppée dans un écrin de virtuosité formelle, la Règle du jeu s'offre surtout pour le spectateur (cynique ?) du 21ème siècle comme un marivaudage réjouissant d'une modernité surprenante. En 2020 on trouvera d'ailleurs volontiers libres et élégants, plutôt que décadents, ces personnages aux échanges enlevés, qui portent un regard d'une remarquable lucidité sur le jeu auquel ils sont contraints de s'adonner et qu’ils prennent plaisir à discrètement transgresser. La satire sociale, elle, accuse ainsi le poids des années qui nous en séparent et qui ont vu advenir au pouvoir une bourgeoisie nettement plus ostentatoire et décomplexée que celle qui s'y trouve dépeinte. La dénonciation devenue convenue des médiocres duplicités de la vie sociale - qui quant à elle, universelle, ne saurait perdre en actualité - ne suffit sans doute pas à faire prendre la mesure du mordant originel de cette comédie mélancolique. Aussi d'un film dont les ambitions démonstratives ne paraissent pouvoir conserver qu'une valeur patrimoniale, on retiendra surtout une inventivité formelle peut-être encore inégalée, toile de fond d’un vaudeville charmant et bien ficelé.