L'imperfection de la perfection

"Frozen" n'est pas parfait.

Le film contient des moments assez dispensables, surtout les trolls, qui ne sont jamais vraiment exploités, avec un design passable mais rien d'extraordinaire, et ils ont droit à leur propre chanson, qui n'apporte pas grand chose.
Il y a quelques facilités d'écriture dans les antagonistes, notamment Hans. Je n'avais certes pas vu venir à l'époque sa duplicité, et on la perçoit davantage durant un revisionnage, mais son plan est des plus bancals, comme laisser Anna encore vivante dans la pièce et annoncer sa prise de pouvoir sans vérifier sa mort... Le duc est fatiguant aussi, à la fois trop absent et trop présent, un mauvais équilibre des forces obscures de ce côté-là.
On peut également lui reprocher un manque de prise de risque avec Elsa elle-même, qui avait tout pour faire une méchante complexe, ce qui aurait évité d'introduire les deux précédents.

Cependant, "Frozen" est parfait comme il est. Peu importe le nombre de fois où je le regarde, je ressens toujours cette même chaleur et ce même sentiment de libération que lorsque je l'ai vu pour la première fois au cinéma.

"Let It Go" est une chanson d'une telle puissance, à tel point qu'elle en a infléchi complètement le destin de la reine par rapport au scénario original. Tout le monde a déjà parlé de la beauté contenue dans ses paroles évidemment : la peur de se montrer comme on est, puis la prise de conscience que la peur ne doit pas nous emprisonner, jusqu'à l'explosion de la créativité et de la liberté jusque-là enchaînées en nous. Puis cette chorégraphie, absolument sans égale dans les grands classiques.
Il s'agit d'une chanson absolument magnifique, qui résonne en moi et des millions d'autres personnes encore, chacun et chacune avec notre propre réflexion sur nos peurs et nos chaînes. Une incroyable universalité d'une puissance émotionnelle rare, tout en s'intégrant parfaitement au film, c'est là un tour de magie que Disney aura du mal à reproduire.

La relation entre les deux soeurs est au centre de toute l'intrigue, et leur relation constitue le coeur de ce qui fait de "Frozen" un grand film. L'opposition de personnalités, qui se repoussent et se complètent à la fois, est magnifiquement maîtrisée. La détresse d'Elsa est renforcée quand elle fait face à Anna. La détermination d'Anna quant à elle est renforcée quand elle pense à sa soeur. Malgré le peu de temps qu'on les voit interagir, les quelques moments de leur enfance et "Do You Want to Build a Snowman?" (autre chanson d'une grande force) suffisent à faire passer tant d'émotions qui ne s'effacent pas une fois adultes. Chacune grandit et évolue, à la fois éloignées et proches, pour se retrouver à la fin. Juste magnifique.

Il y a aussi tellement de moments superbes, au-delà des chansons : Elsa qui s'enfuit d'Arendelle, toutes les scènes dans le château de glace d'Elsa, la confrontation finale sur le lac gelé, ainsi que la conclusion de manière générale, juste ce qu'il faut de satisfaisant mais en nous faisant regretter de ne pas pouvoir rester davantage dans cet univers.

Un univers tant rempli de beauté, d'ailleurs... Les artistes ont fait un travail incroyable en termes d'amplitude et de ressenti sur le monde. L'impression de froid se transmet à nous, l'impression de profondeur dans les décors nous fait ressentir à quel point le monde est vaste, et nous donne envie d'en voir toujours davantage. Puis la robe d'Elsa...
Il y a quelque chose de vivant qui se dégage de cet univers, et qui nous donne envie d'y revenir sans cesse.

"Frozen" est un film que j'aime au-delà de la raison objective. J'ai beau y voir ses défauts, ils ne font que me le faire aimer davantage, tant je ressens un coeur, imparfait, mais qui brûle d'une telle force qu'il vient sublimer la pureté de la glace au lieu de la détruire. L'émotion qui montre un nouveau chemin à la raison.
Un de mes films de coeur absolu.