Pulsions...

Suite directe du film de 1984, ce Freddy's Revenge (sous-titre très générique) est un peu le vilain canard aux yeux de beaucoup de monde (y compris ici, sur SC).

Je viens juste de le revoir il y a 5 minutes et ma note reflète vraiment ce que j'en pense, à savoir un excellent film malgré sa réputation écornée.

Pourquoi Nightmare 2 trouve grâce à mes yeux ?

1.

Parce que c'est une suite directe (le récit se déroule 5 ans après le film matriciel) où l'on apprend que Nancy est devenue folle et que sa mère s'est suicidée et à la suite de quoi, la fameuse maison a mis 5 ans avant d'être rachetée à cause des événements relatés chez le regretté Wes Craven.

Mais au lieu de se reposer sur le concept de son modèle, Jack Sholder et son scénariste David Chaskin vont proposer quelque chose de neuf tout en gardant une certaine continuité, ce qui reste encore rare de nos jours (voyez tous les MCU qui ne font que répéter les mêmes schémas à outrance, tout comme Star Wars post Episode III ou F&F, les Terminator post T3...).
Bref, Nightmare 2 s'affranchit de son modèle tout en le respectant...

Certains objecteront du fait que Freddy n'est plus dans le monde des rêves et que cela enfreint la "Bible" établie par Craven (même Robert Englund le dit)...mais je ne suis pas d'accord car en 1985, ce n'était que le second film donc pour surprendre le public, on pouvait proposer un gimmick totalement nouveau car tout était encore à construire !

Rétrospectivement, Nightmare 2 semble donc autonome, transgressif ou hors-sujet mais c'est parce que 5 autres films ont suivi (je n'y inclus consciemment pas le crossover avec Jason ni le remake de 2010) et ont ré-orienté la saga sur les rails posés par Wes Craven.
Mais c'est ce qu'on appelle la créativité et parfois, c'est une bonne chose (Aliens)...ou pas (Alien Co(n)venant).
(NDLR: Je ne comptais pas faire un comparatif d'une franchise à une autre mais Aliens est le parfait exemple de la nouveauté dans la continuité et la pire séquelle qui m'est immédiatement venue à l'esprit, c'est cet horrible Alien 6 ou Episode VI ou whatever you want to name it...).

De plus, nous avons encore droit à un Krueger flippant, majoritairement filmé dans la pénombre, son visage hideux et luisant (dégoulinant) d'humeur visqueuse, son regard étrange, bref, tout ce qui disparaitra dans le film suivant et au-delà (le cas Wes Craven's New Nightmare étant à part, car ré-imaginé de fond en comble) et le film parle ouvertement d'infanticide, de club S-M, de sadisme..., donc pas du tout-venant !

2.

Mais Nightmare 2, c'est surtout le sous-texte gay qui est la structure du récit:

-Jesse n'est pas à l'aise avec sa nouvelle (première ?) nana,

-il se fait défroquer au stade et au lieu de se rhabiller, il se jette sur son pote Grady (le cul toujours à l'air) et semble vouloir lui rendre la pareille dans une lutte pas très sportive mais assez pulsionnelle,

-il laisse en plan sa nana qui était prête à le recevoir en elle et se réfugie dans la chambre de son pote Grady et lui demande s'il peut dormir là et lui dit:

"I'm scared, Grady ! Something is trying to get inside my body" (Il réfrène son désir homosexuel et en a peur au propre - la pénétration - comme au figuré - le ressenti émotionnel)

-Jesse a aussi du mal à réfréner ses pulsions homicides (il ne tue que des hommes, refus inconscient de ce qui l'attire, pourrait-on dire) reflet inversé de son combat contre ses pulsions sexuelles,

-son prof de gym aime à faire transpirer ses deux étudiants mâles (et fréquente un bar S-M en-dehors de sa vie professionnelle),

-même Freddy himself y va de ses allusions:

"Go ahead, Jesse. Try it on for size" en parlant du gant (métaphoriquement, il est encore question de pénétration: la main dans le gant...)

"He can't fight me. I'm him !" dira Freddy à Lisa car il est EN Jesse, il l'a littéralement pénétré corps et âme ou de manière métaphorique, Freddy est en fait la pulsion homosexuelle de Jesse qui a pris le pas sur son besoin de rester "caché" (in the closet en anglais)...

Freddy's Revenge est donc un film traitant du refoulement gay doublée d'une recherche inconsciente de son identité sexuelle ce qui, amène bien plus de matière pour une séquelle d'un film d'horreur, non ?
D'autant plus que le scénario a été écrit dans un laps de temps très court pour pouvoir capitaliser sur le succès surprise du film originel. Qu'aurait-ce pu donner s'ils avaient eu plus de temps?
Je vais vous le dire: un film policé et plus axé sur les SFX (comme le seront d'ailleurs les suivants).

Il serait aussi bon de replacer ce film dans son contexte social de l'époque: en effet, les 80's restent (profondément ?) homophobe aux USA malgré la multiplication des night-clubs à thèmes dans les 70's (le Stud et le Febes à San Francisco, The Factory et Circus Disco à Los Angeles, le Mineshaft et le célèbre Ramrod à New York...).

Mais depuis l'élection de Ronald Reagan pour les Républicains, un vent de conservatisme souffle sur les 80's et être gay n'est plus "fun" comme ce le fut durant toute la décennie précédente: c'est tabou voire malsain (merci au conservatisme religieux a.k.a les "valeurs morales" des USA).

Donc, ce Freddy's Revenge distille toute son imagerie gay au nez et à la barbe de tous les conservateurs (et les spectateurs non-observateurs) et ose en parler, même si de manière indirecte.

Bref, pour tout ça, ce second épisode de la saga Elm Street mérite bien plus que cette volée de bois vert qui continue à l'accompagner de nos jours.
Sachez voir derrière le vernis (ici l'horreur) et constatez le discours social d'une époque distincte, soyez témoin de la dernière apparition réellement dark d'un boogeyman devenu un (anti)héros iconique (c'est quand même un tueur d'enfant à la base !) toujours prompt à balancer des punchlines à la limite de la parodie.

Ne vous méprenez pas, j'apprécie TOUS les films de la saga (qualités comme défauts) mais je pense que celui-ci a ma préférence pour les raisons citées ci-dessus.

Pour finir, un bref tour d'horizon sur le casting avec:

-Mark Patton**qui interprète de manière convaincante ce pauvre **Jesse car l'acteur vivait d'une certaine manière la même chose, puisque étant un gay dans un milieu professionnel qui ne l'était pas vraiment (Hollywood, où c'était tabou).

-Kim Myers se débrouillant très bien aussi et est certainement meilleure actrice que Heather Langenkamp (ce qui n'est pas très difficile, reconnaissez-le) et comme cette dernière, sa carrière ne décollera malheureusement jamais...

-toujours un plaisir que de retrouver Marshall Bell (le tueur à gage de Twins, Kuato dans Total Recall et surtout, le rôle-titre du barge The Vagrant en 1992) ici en coach aimant beaucoup punir les jeunes garçons impétueux et qui finira fouetté à mort !,

-et bien sûr, Freddy himself a.k.a Robert Englund qui reste en retrait (au contraire des suivants, où il EST la star du film) et n'apprécie pas vraiment ce film.

Est-ce à cause du thème gay sous-jacent (qu'il avait saisi bien avant le réal Jack Sholder et la majorité de l'équipe de tournage)?
Non, il avait même suggéré une scène où Krueger mimerait une fellation avec sa lame entrant et sortant de la bouche de Jesse (mais Patton himself ne se sentait pas de le faire, donc ça été abandonné).

Serait-ce parce que la New Line avait refusé d'augmenter son cachet (au vu du succès du film précédent, ça se comprend) et avait même engagé une autre personne pour jouer Freddy Krueger pendant les deux premières semaines de tournage, avant que - de l'aveu même de Robert Shaye (CEO/producteur de New Line Cinema Inc.) - cette décision soit rapidement inversé et Englund d'être augmenté ?

Pertinent, pertinent !

Oh et avant de partir revoir Dream Warriors, il est bon de noter que ce Freddy's Revenge sauva littéralement la New Line et son personnel de par son succès: $30.000.000 de recettes pour 3 d'investis, qui, dit mieux en 1986 ?

"One, two,
Freddy's Come for You..."