Des choses à dire sur ce film
« La plus grande chasse au trésor de l’histoire », « L’enquête qui change le monde », un nom, une âme, une vie, La révélation des pyramides.
Pour faire simple La révélation des pyramides c’est le Independence day du documentaire, tout en facilités de mise en scène, en musique flamboyante, en images prises tout autour du monde et en grosses berlines ; ça baigne dans une aura de mystère de culture populaire qui englobe autant les lieux extraordinaires mais communs que sont les pyramides de Gizeh, l’île de Paques, le Machu-Picchu... que les lieux communs que sont les informateurs gorge-profonde-like et les complots internationaux ; ça frise la tachycardie tellement ça pulse et puis surtout c’est un brin putassier et bien bien crétin. Bref, c’est cool ! Sauf que.
Sauf que si Roland Emmerich a tout du bonhomme sympathique dans son amour juvénile et sincère pour les trucs qui pètent et l’exaltation d’un patriotisme naïf, le cas Jacques Grimault, co-auteur du film avec Patrice Pooyard, est un peu (beaucoup) plus douteux. Il apparaît que le type ait quelques accointances avec l’extrême-droite, que ses théories s’inscrivent en filigrane (dans La révélation des pyramides du moins) dans les fantasmes national-socialistes d’une civilisation antique de surhommes, qu’il verse, un peu moins en filigrane pour le coup, dans le on nous ment facile, imparable et systématique et qu’il est plus susceptible encore qu’un apprenti humoriste qui a pondu une vidéo à quatre millions de vues sur Youtube... et du coup est très actif sur les internets. Est-ce que ça nuit à un visionnage de La révélation des pyramides ? Absolument pas. Mais c’est toujours bien de l’avoir en tête.
D’autant que le folklore conspirationniste aurait même tendance à renforcer le côté over the top du machin. Indépendamment de la partie scientifique, délicieuse accumulation de raccourcis, d’approximations, de détournements sur lesquels je ne m’attarderai pas puisque d’autres l’ont fait et très bien (voir le site d’Irna à titre d’exemple), ce qui fait le sel de LRDP c’est son véhicule. Croisement entre un blockbuster lambda et un thriller ésotérique improbable, le truc emploie autant, en vrac, et pas toujours très bien, les codes des films catastrophes que de The X-files, du savant tourné en ridicule pour ses théories farfelues, ce qui ne fera que donner plus de grandeur à son combat, aux autorités qui mentent et qui étouffent, en passant par la surutilisation de grosses berlines et la figure de l’informateur qui sait beaucoup beaucoup de choses... cet informateur secret, filmé dans la pénombre, dont on ne voit que les mains qui tripotent une pyramide dans tous les sens pour multiplier et diviser tout ce qu’il est possible de multiplier et diviser, et dont on a un aperçu de la bibliothèque qui sent bon l’érudition et la poussière est ou en tout cas représente en fait Grimault himself.
D’un point de vue narratif, le documentaire est pas si mal construit. Le duo Grimault/Pooyard y utilise des ficelles de narration qui ont fait leurs preuves notamment dans la littérature fantastique, à commencer par l’emploi d’un narrateur qui nous assure d’emblée qu’il n’est pas fou, qui avant était comme vous et moi, qui comprendrait tout à fait qu’on ne le croit pas, lui-même à notre place ferait certainement pareil seulement voilà..., eh bien ce narrateur, en l’occurrence cette narratrice (Alika Del Sol), qui sert à asseoir le récit et qui joue d’auto-dénigrement gentil pour mieux poser sa crédibilité, on l’a. Petit le saviez-vous à caser au bar au passage : c’est Brian Cox qui s’y colle en version anglaise.
Le problème c’est que Grimault/Pooyard en font trop, beaucoup trop, tout en se prenant particulièrement au sérieux. Y compris en établissant la grosse berline comme unité de mesure, et ce, même après en avoir fait des pétacaisses sur la précision, le mètre et le nombre d’or. Et c’est ainsi que le recours à la narratrice typée fantastique, toujours efficace en terme de récit en ce qu’elle peut être génératrice d’empathie ou d’identification, devient très rapidement pour Grimault un moyen de se victimiser, puis de dénigrer une science dite officielle qui ment, qui ricane, qui élude et qui couperait court à toute remise en cause en utilisant contre elle les techniques de décrédibilisation qu’il lui prête : la narratrice explique avoir été éconduite avec un petit dessin, elle répliquera avec des surimpressions d’images d’hommes préhistoriques en peau de bête.
La surenchère est totale. À tous les niveaux. On en a plein les yeux, plein les oreilles, plein le cerveau et plus si affinités. Si bien qu’à chaque fois qu’on arrive, tout ébahi, à un sommet et qu’on pense qu’on ne peut que redescendre, eh bien il y a en a un autre juste derrière encore plus gros. Et on passe d’une révélation à l’autre à grands renforts de points récapitulatifs avec des effets sonores métalliques, des mots qui wooshent à l’écran, des surimpressions d’images d’hommes préhistoriques en peau de bête... Jusqu’à l’hypothèse finale, pfriooouuuu (bruit d’explosion à la bouche) mindblow.
C’est ce qui manque un peu dans Bâtisseurs de l’ancien monde (BAM quel super ptit nom), la vraie fausse suite (eh ouais Patrice Pooyard et Jacques Grimault se seraient vraisemblablement brouillés en chemin) de LRDP dans lequel le rugosimètre remplace la grosse berline. Ça reste rigolo, attention. Mais, il y a moins de démesure, moins de thriller et, de manière assez logique, moins d’informateur secret. Moins de tout.
C’est sûr que j’aurais l’air con quand je découvrirai que Patrice Pooyard et Jacques Grimault disaient la vérité et que j’ai pas écouté, pis, que je m’en suis moqué en bon mouton que je suis, mais ça ne m’empêchera pas de continuer à me taper des barres devant LRDP d’ici là et, j’en suis convaincu, encore après.
Nota bene : si un producteur audacieux voulait mettre en branle un film sur l’épopée de Patrice Pooyard et Jacques Grimault avec Jean Reno et Christian Clavier dans les rôles titre, je suis prêt à lui donner ce que me rapporterait la vente des organes de mes enfants au marché noir.
Hum... ce film ne compte assez d'ingrédients pour jouer au bingo avec une grille de 36 cases, mais voilà quand-même les 16 ingrédients repérés
Réalisation
Effet > Trajet qui se matérialise sur une carte – Fin > Ouverte – Grammaire > Emploi répété d’accélérés / Alternance d’accélérés et de ralentis – Habillage > Incrustation de texte sur l’écran : lieu, date, heure, etc. – Habillage > Incrustation de texte sur l’écran : SMS, mail, scores de match etc. – Habillage > Titre qui apparaît en gros à l’écran, accompagné d’un effet sonore – Méthodique > Raye un nom sur une liste – Ouverture ou fin > Voix off d’introduction ou de conclusion – Plan > Images de paysage urbain/naturel, couchers de soleil, passées en accéléré – Woosh > Mise en scène
Réalisation > Audio
Bruitage informatique qui pioupioute accompagnant l’incrustation d’un lieu ou d’une date
Scénario > Contexte spatio-temporel
Cliché touristique
Scénario > Élément
Images satellite – Titre du film énoncé dans le film
Scénario > Ficelle scénaristique
Musique « ethnique » qui situe l’action dans un pays non-occidental – Vieille légende, racontar, fait divers transmise à un moment ou à un autre...
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Barème de notation :
- 1. À gerber
- 2. Déplaisir extrême et très limite sur les idées véhiculées
- 3. On s'est fait grave chier
- 4. On s'est fait chier mais quelques petits trucs sympas par-ci par-là
- 5. Bof, bof ; pas la honte mais je ne le reverrais jamais ; y'a des bons trucs mais ça ne suffit pas
- 6. J'ai aimé des trucs mais ça reste inégal ; je pourrais le revoir en me forçant un peu
- 7. J'ai passé un bon moment ; je peux le revoir sans problème
- 8. J'ai beaucoup aimé ; je peux le revoir sans problème
- 9. Gros gros plaisir de ciné
- 10. Je ne m'en lasserais jamais