On fustige assez souvent les manquements et les maladresses du film à la française ; ayons donc l’honnêteté de savoir saluer ses réussites.
La Ritournelle, comme son titre l’indique, est un tout petit film qui s’assume, voire se revendique comme tel. Modeste dans son ambition narrative, linéaire, pas original pour un sou, il évoque l’escapade d’une épouse hors de sa Normandie agricole pour un séjour parisien durant lequel son infidélité lui permettra de remettre sa vie en perspective.
Sujet peu attrayant, à l’image de la bande-annonce sans charme particulier… Mais Fitoussi est un petit orfèvre qui sait exploiter toute la délicatesse infinie d’Huppert, comme on a déjà pu le constater dans Copacabana, ou des autres comédiens comme dans La vie d’artiste (si l’on oublie Pauline Détective, exercice de style assez maladroit).
Doté d’un très bon sens du dialogue, particulièrement fluide et authentique (qu’on pense à l’apparition de Marina Foïs en belle-sœur irritante, très réussie), le film s’attache à un portrait croisé de deux époux dont la séparation sera garante d’un renouvellement des échanges.
Les échappées des protagonistes ont la délicatesse de la vie réelle : aussi désirées que déceptives, elles parviennent à retranscrire ces moments qui ne sont forts que parce qu’on les vole. Ainsi, la séduction première entre Huppert et Pio Marmaï n’est possible que lors d’une soirée éphémère, et ne pourra se prolonger comme on l’avait cru. Toujours sur le fil, équilibré dans sa sentimentalité, c’est par des petites épiphanies silencieuses que le film parvient à atteindre la vérité que les personnages eux-mêmes ignoraient jusqu’alors : la malice d’un homme qui s’installe près d’une femme au restaurant, la visite à Orsay d’un agriculteur soucieux de revoir ses champs magnifiés par la peinture, ou la reconnaissance de son fils acrobate dans une superbe séquence qui ne s’embarrasse pas de mots pour dire la richesse de l’amour filial.
La force de certaines œuvres est, à l’inverse de celles qui exhibent leur virtuosité ou la particularité stylistique de leur genre, de savoir s’effacer. Lorsqu’on oublie que les comédiens jouent, que les dialogues sont écrits et qu’une caméra les filme, c’est un accès humble et sans détours à l’humain qui s’impose, et c’est loin d’être à la portée de tous. Il suffit de comparer ce film aux récents La vie domestique ou Pas son genre, entre autre, pour s’en convaincre.
C’est aussi du cinéma, et Marc Fitoussi est un maitre en la matière.
Sergent_Pepper
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Comédie, Psychologique, Mélo, Mélange des genres et Portrait de femme

Créée

le 12 nov. 2014

Critique lue 1.3K fois

26 j'aime

11 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 1.3K fois

26
11

D'autres avis sur La Ritournelle

La Ritournelle
Fritz_Langueur
8

La Bovary en goguette...

Rarement un film aura porté aussi bien son titre ! « La Ritournelle » est une œuvre mélodique. Elle vous charme par sa simplicité, vous touche par sa tendresse et tiendra toutes ses promesses de vous...

le 10 sept. 2014

10 j'aime

La Ritournelle
Selenie
7

Critique de La Ritournelle par Selenie

Marc Fitoussi aime à réaliser des comédies douces amères et retrouve son actrice de "Copacabana" (2010), Isabelle Huppert pour cette nouvelle aventure où le réalisateur reprend le thème de la...

le 12 juin 2014

8 j'aime

2

La Ritournelle
Andy-Capet
6

L'étonnement

Vu en avant-première en présence d'Isabelle Huppert et de Marc Fitoussi le 12 mai 2014 au Majestic de Lille. Assez souvent, je vais au cinéma pour autre chose que la sempiternelle ritournelle de voir...

le 14 mai 2014

8 j'aime

10

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

774 j'aime

107

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

715 j'aime

55

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

618 j'aime

53