D'habitude, en matière de cinéma tendance seconde guerre mondiale, on met plus volontiers en scène la communication et le contre-espionnage du côté du cryptage de l'information et de l'interception du message qui pourrait faire basculer le conflit de l'autre côté. Et là, on ne peut que se souvenir des délices sous-cotés de U-571 ou de Windtalkers : Les Messagers du Vent.
Ou encore de Imitation Game qui, avec le plus récent Les Heures Sombres, ferait penser à un véritable réinvestissement britannique de son histoire.
La Ruse s'inscrit au carrefour de ces deux courants, en racontant une des histoires les plus rocambolesques de l'implication britannique dans le conflit : celle d'un énorme bobard à crédibiliser, puis à répandre dans le camp ennemi. Le film joue à fond de cet aspect à peine croyable, tout en se glissant derrière le voile du secret des préparatifs. Tout en mettant en évidence le souci du détail le plus infime en matière de travestissement de la vérité. En maintenant un intérêt constant au fil des rebondissements, des impondérables et des petites trahisons mesquines classiques du genre, mais toujours agréables à suivre tout au long d'un simili thriller en mode reconstitution léchée.
Avec un Colin Firth égal à lui-même, c'est à dire parfait, une Kelly MacDonald attachante et un Matthew MacFadyen duplice, La Ruse bénéficie par ailleurs d'un casting assez costaud à l'écran.
Au point que l'on ne pourra reprocher au film que son académisme de tous les instants, qui ne le porte pas aussi haut que l'on aurait pu l'espérer.
Parce que sorti de sa thématique évidente, il y a derrière La Ruse un formidable discours sur le formidable pouvoir de l'imaginaire et de la fiction, auquel cède finalement presque tous les personnages convoqués, qui se racontent des histoires ou encore cèdent devant celles que l'on peut leur servir... Quand il ne s'agit pas, tout simplement, de transfert des sentiments intérieurs d'une certaine solitude sur des écrits, des lettres et des rapports.
La puissance du sujet est relayée discrètement par la présence, au second plan, du futur papa d'un célèbre agent secret, qui a pris part à la création, de toutes pièces, de la vie de ce cadavre et de cette opération de contre-espionnage en forme de pari insensé.
La Ruse anime avec malice un incroyable jeu de dupes, pour mieux en célébrer l'inventivité au service de l'effort de guerre. Pour mieux surprendre et faire comprendre ce qui irrigue les dessous du conflit. Un goût de trop peu pour beaucoup, sans doute, mais qui a passionné le masqué.
Et c'est déjà beaucoup.
Behind_the_Mask, à qui on peut faire avaler pas mal de trucs...