Il est toujours plaisant de voir un film allemand se frayer un chemin jusqu’à nos salles, signe d’un succès outre-Rhin assez rare. La salle des profs, en écho aux tensions communes vécues par la communauté éducative, suit donc le parcours d’une enseignante qui va devoir composer entre ses idéaux, une série de choix discutables et une hostilité de tous les camps avec lesquels elle interagit.
L’écriture, tendue et acérée, prend le parti de s’arrêter sur une fonction : de cette femme, nous ne verrons que le rôle professionnel, sans aucune information ou cadrage sur une vie privée qui restera hors-champ. Dévouée à son métier, dans le contact avec un groupe qu’elle maîtrise et porte, elle accomplit un idéal humaniste qui s’avérera à la source de ses déboires, refusant les compromis concédés par l’administration, usant de méthodes d’enquête et de délation discutables.
L’idée de la voir se retourner contre ses pairs, au sein de la fameuse salle des profs, ne manque ainsi pas d’intérêt, et nourrit un thriller assez bien mené, même s’il peut se révéler un peu mécanique, usant de ces ressorts chers au cinéma sur-écrit d’un Fahradi, où le piège tragique se resserre autour d’un protagoniste, tandis que la collusion des enjeux (l’antagoniste collègue et simultanément mère d’un élève qui va saboter son cours…) relève d’une coïncidence un peu facile.
Mais İlker Çatak compense ces scories par un sens efficace de la mise en scène, explorant les recoins d’un établissement à la fois vaste et cloisonné, où il joue sans cesse de la porosité (porte de verre, écoute dans les toilettes) et surtout de la mobilité permanente d’un groupe difficile à contenir. Ces séquences durant lesquelles l’enseignante doit composer avec les satellites du groupe (au gymnase, en classe) qui profitent de chaque opportunité pour s’accorder quelques instants de liberté (la scène du briquet) alimentent en sourdine une tension continue, admirablement intégrée par la comédienne Leonie Benesch.
Si le film se laisse piéger par l’escalade un peu excessive de la tension qu’il peine à véritablement conclure, il ne démérite nullement dans l’atmosphère qu’il parvient à dépeindre, et particulièrement dans le lien complexe qui s’établit entre des individus aussi retors et incontrôlables que les élèves : les résidents de la salle des profs.
(6.5/10)