Je me demande combien de temps cela fait-il que nous n'avions pas eu un film de cet acabit, d'une telle grâce, d'une telle portée sensorielle. Quelque part entre Nostalghia de Tarkovski (pour la puissance de la foi chrétienne, et la quête spirituelle et torturée de son personnage dans le plus beau pays du monde) et Requiem d'Alain Tanner (pour le cheminement spirituel vers l'héritage artistique), voilà où est sa place, c'est-à-dire considérable.
Eugène Green filme l'Italie et ses paysages si délicieusement cinématographiques mieux que personne, et y imprègne une puissance sensorielle exquise et fascinante, la photographie donnant vie à chacun de ses composants (quelle envie d'aller à Stresa, maintenant !), gorgée de niveaux de lecture psychanalytiques et sociétaux qu'il ne servirait à rien d'expliquer, car le film a le courage et l'unicité aujourd'hui d'être dans le non-dit, de transmettre par l'image, respectons sa volonté.
Car en effet, La Sapienza est un film rare. Quel autre cinéaste aujourd'hui oserait-il proposer une mise en scène aussi radicalement méthodique dans ses plans, demander une diction aussi machinale "à la Nouvelle Vague" de ses acteurs, et surtout qui arriverait, malgré ses procédés quasi-mathématiques, à garder un souffle humain et métaphysique aussi majestueux, comme ces architectures à la fois si concrètes, si matérielles, et si mystiques, si transcendantales, à la fois ? Peu de monde. Chapeau bas.