La sirène
6.4
La sirène

Court-métrage de Georges Méliès (1904)

--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au premier épisode de la septième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :

https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163

Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :

https://www.senscritique.com/liste/les_petites_sirenes/3094904?page=1

Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---

Plus les mois-monstre se diversifient, et plus je remonte dans le temps. L'année dernière 1909, cette année 1903. Viendra un moment où on ne pourra plus faire fonctionner plus loin la machine à remonter le temps, mais pour l'instant je profite de savourer à chaque début d'automne un nouveau pas en arrière à la découverte des toutes premières créatures à s'être exposée à la lumière de l'invention des frères Lumière. En toute logique, ce sont les amoureux du trucs, les inventeurs malicieux et les géniaux détourneurs de l'invention qui se sont les premiers frottés aux bestioles de la mythologie et de l'imaginaire. Si l'année dernière, Secundo de Chomon utilisait le prétexte de l'homme invisible pour démontrer son savoir faire, c'est avec beaucoup plus de candeur que cette année, c'est le père de toute cette vague de joyeux fanfarons qui se propose d'ouvrir le bal du mois-sirènes.

Un an après la super-production Le Voyage Dans la Lune, papy Méliès continue à déverser sur le monde des kilomètres de fantaisie pelliculé. Sur le même ton rêveur et farfelu qui a fait son succès l'année précédente, le tout premier homme à avoir inventé des histoires avec une caméra en retourne cette fois à la formule qu'il connaît bien et avec laquelle il a débuté. Mêlant son premier métier de magicien à son nouveau métier de réalisateur/truquiste, Méliès nous propose à nouveau un court poème propice à l'émerveillement, proposant à la fois les archi-classiques lapins sortis d'un chapeau, et, donc, la première sirène de l'histoire du cinéma. Je ne saurais pas trop quoi dire de cette sirène, ni deviner ce que Méliès voulait raconter avec ce jeu de fabulation, retour à la réalité, retour à la mise en scène. Serait-ce une façon de nous dire que les sirènes (première partie) n'existent pas (deuxième partie), mais peuvent reprendre vie grâce au cinéma ou aux arts de la scène (troisième partie) ? Bien que ces deux arts soient très liés à la naissance du cinéma, et que les arts de la scène se sont depuis longtemps posés cette question de l'incarnation de ce qui n'existe pas ou plus, je trouve plutôt avant-gardiste de la part de Méliès de proposer une telle réflexion sur le cinéma, tout en continuant de donner la priorité au divertissement et à l'émerveillement. Que les détracteurs du père des effets spéciaux aillent se rhabiller, d'autant que leur critique principale est désarmée avec beaucoup de malice dans ce film : bien que le cadre reste dramatiquement large, fixe et de face, cela n'empêche pas notre homme de « réfléchir au cadre ». Le « cadre », ici à prendre au sens propre, est apporté dans le champ pour mettre en valeur l'aquarium, puis, dans un travellling inversé (c'est à dire que même si la caméra reste éternellement fixe, le cadre lui s'approche d'elle) grossi jusqu'à encadrer, plein cadre, madame la sirène, occasionnant le bascule complète du spectacle au rêve, avant de disparaître au moment où le metteur en scène, hypnotisé par sa propre création, rentre à nouveau dans le champ et brise l'illusion. Alors qu'on ne me dise plus que Georges Méliès n'avait pas le sens du cadre ni de langage cinématographique.

Zalya
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le 3 oct. 2023

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