Journal de bord - Jour 8

--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au huitième épisode de la septième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :

https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163

Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :

https://www.senscritique.com/liste/les_petites_sirenes/3094904?page=1

Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---

Nous avons dormi à quai, puis nous sommes repartis. J'avais réclamé à ce qu'on fasse escale sur cette île reculée plutôt qu'ailleurs, car je désirais y retrouver un vieil ami. L'équipage avait bougonné, surtout ceux qui prévoyait de quitter le navire, mais je n'ai pas regretté d'avoir usé de mon autorité (et d'un peu d'intimidation) en savourant le vent froid qui faisait danser mon pelage et chantait lugubrement dans la crique au-dessus de laquelle mon ami avait construit sa maison. Comme d'habitude, et comme si notre dernière rencontre datait d'hier, il m'a cuisiné un plat simple mais goutu à partir de sa pêche du jour, et nous avons regardé ensemble un nouveau film de sirène, que j’épargnais au reste de l'équipage en sa qualité de téléfilm, mais que je voulais voir personnellement pour approfondir encore ma découverte des sirènes.

Je n'aurais peut-être pas du mettre ce film au placard pour mes camarades. Certes d'une qualité globale assez médiocre, le film quand on le regarde dans le détail n'est pas à rejeter en bloc et surtout, il fait beaucoup progresser la question de la sirène au cinéma. Tout d'abord, le film souffre surtout de sa fin ouverte, pour le coup franchement nulle, qui le tire vers le bas. C'est dommage, car le reste du film était quant à lui assez honorable. J'ai l'impression que les rares téléfilms que j'ai vu au cours des mois-monstres soufrent tous du même symptôme : le démarrage est affriolant, le contenu est assez satisfaisant, et les vingt dernières minutes du film condensent tous les défauts. Je comprends très bien l'origine du problème : là où pour voir un film de cinéma le spectateur paye son entrée, et supportera donc plus gentiment l'ennui pour rester jusqu'au bout dans la salle et en avoir pour son argent, le téléfilm quant à lui est soumis sans cesse à la menace du zap. Le spectateur tombe généralement dessus par hasard, et son but et de l'accrocher suffisamment pour l'emmener jusqu'à la prochaine plage de pub. Une fois que la dernière plage de pub est passée, 15, 20 minutes avant la fin, l'objectif est rempli, et on peut se satisfaire d'une fin un peu branlante sans affecter l'audimat de la chaîne. Mais savoir le pourquoi ne pardonne pas ni ne rends cette fin moins médiocre. Pourquoi tout d'un coup la sirène est un alien ? Avec des VFX moches comme tout en plus. Et pourquoi le type il quitte sa planque pour aller se jeter dans les griffes de la créature ? Et pourquoi les sirènes elles ont l'agilité d'un caniche dans l'eau ? Et pourquoi surtout cette fin ouverte ridicule ?! « Je ne l'ai jamais revue. […] est-ce que je l'ai revue ? La réponse est oui, mais c'est une autre histoire ». Au secours ! J'en veux surtout au film d'avoir tellement bien rempli sa mission de conserver son audimat qu'il a ouvert plein de pistes, pour finalement n'en faire aboutir quasiment aucune. Mais, mais, voilà que je tartine déjà depuis une demi-page sur le mauvais du film, alors que dans l'ensemble, c'est un film que j'ai aimé, et surtout, chose la plus importante dans le mois-monstre, dont j'ai apprécié la sirène. Car voilà, enfin (si on oubli Night Tide qui était plus fantasmagorique qu'horrifique), le premier film d'horreur du mois est là, et le monstre à l'honneur est enfin un monstre, un vrai, un qui fait peur et qui est menaçant, un dont la force et l'adresse surpassent toujours sans-cesse la soi-dit intelligence des humains, un qui bouffe les gens nom de nom ! Le tout baigné dans un clair-obscur victorien absolument délicieux, évoquant même lors des moments les plus réussis des notes de Hammer (doucement quand même hein, la Hammer c'est mieux, mais quand même saluons, si ce n'est la réussite absolue, au moins la tentative). Cette sirène destructrice et vicieuse compense un personne féminin qui aurait pu être sublime, et qui se révèle simplement cruche et soumise, dans un scénario qui quand même, avouons-le, pue un peu le sexisme (à grand renfort de « les femmes ça porte malheur sur un bateau »). Bon, tant qu'on y est, le film il est un peu raciste aussi (à grand renfort de « le noir, c'est toujours le premier à mourir dans un film d’horreur »). Mais, je ne sais pas, je ne me l'explique, ou plutôt si, cette sirène sublime et terriblement cruelle, avec ses nageoires immenses, sa voix terrifiante, ses cheveux magnifiques et ses yeux envoûtants, a elle seule efface d'un coup de queue les nombreux vilains défauts du film.