Depuis la disparition de son mari (Henri Guisol) en Amazonie, la vicomtesse Sophie de Valider vit en couple quasi-officiel avec le promoteur immobilier Bertrand Duvernois (Jean Lefebvre). Pour les fêtes de Noël, celui-ci a décidé d'inviter au château un obscur ministre (Michel Serrault) afin de le corrompre pour qu'il fasse passer un projet immobilier actuellement bloquer. Le ministre arrive en bonne compagnie, profitant de l'isolement du château, loin des fureurs de sa femme tyrannique. Il ne se doute pas qu'au même instant, un criminel recherché et médiatisé se glisse dans le parc du château, amenant derrière lui des cohortes de gendarmes et de journalistes, dont un inspecteur particulièrement inquisiteur (Daniel Prévost). Que manque-t-il ? Le retour d'un mari absent depuis 3 ans, prêt à se cacher dans les placards pour faire une bonne surprise à sa femme ? Pas de soucis, c'est prévu au programme...
Le vaudeville peut-il mener au chef-d'œuvre ? On serait tenté de dire qu'un genre aussi dénué de noblesse en serait bien incapable. Ce serait toutefois oublier le prodigieux Oscar, où Louis de Funès et Claude Rich faisaient preuve d'un art comique qui confinait au génie.
Cela nécessitait toutefois un doigté dont le film de Jacques Besnard manque par moments. On ne peut nier sa tendance à parfois vouloir trop en faire. Ainsi, il réemploie et use jusqu'à la corde les poncifs du vaudeville sans mesure : un cadavre baladeur, un mari qui joue les fantômes dans les placards avec un délice un peu trop exquis, deux couples triangulaires,une domestique dont la tâche est de s'évanouir dès qu'elle le peut, un inspecteur fouineur... Tous les ingrédients sont là, de manière un peu trop scolaire pour prétendre à s'élever au-delà de la comédie sympathique.
Néanmoins, ce n'est pas ce qu'on attend de ladite comédie et il faut reconnaître que c'est avec une jubilation sans limites qu'on voit s'empiler ces situations absurdes, toutes plus cocasses les unes que les autres, dans un tourbillon entraînant. Le classicisme n'exclut pas le plaisir. Et si le film pèche par excès de classicisme, reconnaissons-lui au moins le mérite de ne pas se contenter de répéter bêtement ce qu'on a déjà vu ailleurs. Les nombreux quiproquos, dont certains attendus, font souvent mouche. Par le biais de dialogues affûtés et d'acteurs brillants, ils trouvent souvent le relief nécessaire pour rendre cette comédie marquante.
Il n'y a certes là rien d'exceptionnel, et probablement y manque-t-il l'énergie singulière d'un Louis de Funès pour prétendre au chef-d'œuvre.
En attendant, grâce au trio Lefebvre-Pacôme-Serrault, qui joue une partition bien connue à laquelles trois sont rôdés, le film de Jacques Besnard réussit à susciter un rire fréquent et un sourire de tous les instants.
Par son rythme soutenu et sa montée en puissance comique irrésistible, La Situation est grave... mais pas désespérée devient alors une de ces petites pépites qu'il fait bon trouver dans l'océan de médiocrité des comédies françaises débridées et trop nombreuses des années 70. Une comédie très plaisante et entraînante qui s'arrête juste avant le palier du film culte.