La sociologue et l’ourson a évité avec brio tous les écueils que présupposaient son sujet, à savoir l’austérité d’un bureau d’étude et la sévérité d’une figure technocrate comme personnage principal. Mathias Théry choisit sa propre mère et joue de cette relation au lieu de la renier au nom d’une neutralité fausse. Une proximité fraternelle rassurante d’où le propos coule avec aisance et simplicité. Une qualité remarquable quand il s’agit de qualifier la longue année de débat concernant la promulgation de la loi du mariage pour tous.
Comprendre le débat, remonter à la source des événements, le travail était de taille pour clarifier l’amas de haine qui s’est déversé sur la France, cette année d’amalgame où plus d’un ont perdu le fil de la discussion.
Des coups de fil justement, de Mathias Théry à sa mère, et les mois qui passent, chaque nœud qui paralyse la société est démêlé avec attention et bienveillance par le discours d’Irène qui oublie un temps soit peu son titre de sociologue pour parler comme une mère à son fils. Parce qu’il s’agit bien de cela, exit les tribunes dans les quotidiens nationaux, ce sont des conversations privées et spontanées. Et l’on devine aisément à ce propos, que la mère du réalisateur n’est pas au fait du procédé filmique —la bande-annonce en fait état—, à savoir que toutes ces clarifications qu’elle pensait donner à son fils pour mieux faire son film, sont le film lui-même.
Mais privilégier le téléphone comme principal vecteur imposait d’y trouver illustration. Le choix de l’ours en peluche, n’est pour sûr, pas anodin. Souvenir enfantin, empreint d’innocence, c’est aux spectacles de marionnettes auxquels on pense. Ceux qui racontent avec des mots simples les choses de la vie qui le sont moins. Illustration décalée et humoristique, c’est le ton juste pour aborder ces questions si sérieuses. Irène parle de l’histoire de sa famille, l’évolution du mariage comme mœurs à travers les âges, pour en venir à l’épineuse question de la parentalité. Une bouffée d’air qui semble, après coup, essentielle pour dissiper le brouillard.
Des prises de vues réelles viennent aussi nourrir le film. Irène est une mère et une sociologue renommée, une figure publique appelée à la table du président, invitée sur les plateaux télévisés et aux émissions de radio. Nous la suivons de l’Élysée jusqu’à sa cuisine... Le film est une percée à travers ce personnage éloquent, qui passe du registre privé au registre public sans cesse. Il montre avec pudeur les difficultés rencontrées dans le soutien de ses convictions jour après jour, la difficulté d’apporter des arguments à un discours obscurantiste.
La Sociologue et l’Ourson accompli l’exploit de changer un an de débat de sourds en une drôle d’histoire de famille, portée par une mère figure de proue et un fils admiratif. C’est la petite histoire que nous avons tous en commun, qui rencontre la grande, celle d’un combat pour les autres et leurs différences.