Au début des 80's, Louis de Funès est toujours une grande star, mais il est fatigué depuis son premier infarctus en mars 1975. Il tourne toujours pour le cinéma, mais ne joue plus sur les planches depuis une représentation de La valse des toréadors (Jean Anouilh, 1952) en 1974. Après être passé à la réalisation avec L'Avare (1980), il lit La Soupe aux choux de René Fallet (1980) et en dit tout le bien qu'il en pense à Christian Fechner, qui en achète les droits. Dans la suite logique, il commence à écrire l'adaptation en compagnie de Jean Halain, scénariste fidèle de l'acteur depuis le premier Fantômas (réalisé par son père André Hunebelle). Après avoir envisagé Jean Chouquet à la réalisation, il opte pour son camarade de longue date Jean Girault.


Bien que l'acteur tournera encore le dernier opus des Gendarmes (1982), La Soupe aux choux sent déjà la fin d'une époque. L'acteur paraît très fatigué et ce malgré tout l'alcool qu'il s'envoie durant le film avec Jean Carmet (en réalité, de l'eau coloré au grand malheur de ce dernier). Le ton du film va dans ce sens, loin de la frénésie habituelle, au point de se demander plus d'une fois si l'on est face à une comédie qui s'est perdu ou un drame qui s'ignore, voire un peu des deux.


C'est là où La Soupe aux choux devient intéressant. Souvent vendu comme une comédie pétaradante, le film en est finalement assez éloigné. Si l'alien vient chez Le Glaude (De Funès) à cause de pets plus improbables que jamais, ce n'est qu'une infime partie du film, le reste allant aussi bien dans la science-fiction que dans le drame humain sur la vieillesse. Le duo principal est vieux, seul, avec ses problèmes (le premier est veuf, le second bossu avec des tendances suicidaires) et est même en passe de se faire dégager de son logement. Dans le dernier quart d'heure, De Funès et Carmet deviennent même des bêtes de foire pour le village entier, désireux de les faire partir pour étendre le territoire avec un parc d'attraction. Quant à Claude Gensac, elle est considérée comme une vieille folle que personne ne veut croire. Même le retour de la Francine (Christine Dejoux) est synonyme d'amertume, la dame voulant profiter de sa nouvelle jeunesse. Là encore, la chute sera rude, Francine découvrant que le monde de maintenant n'est pas meilleur que celui qu'elle a connu autrefois.


La Soupe aux choux est donc plus triste que rigolo et sa réputation de nanar pétomane a tendance à être invraisemblable. La scène des pets est délirante et peut être vu comme un précurseur alcoolisé de la scène du repas du Professeur Foldingue (Tom Shadyac, 1996). Mais cela tient plus du rigolo que de l'hilarant à s'en péter une côte. Le côté kitsch de l'extraterrestre peut-être ? Surement, mais là encore il faut un peu plus pour faire de La Soupe aux choux un énorme nanar, à moins de le considérer comme un mauvais film sympathique.


Si le film de Jean Girault n'est pas parfait (rythme trop lent, un brin kitsch, certains acteurs pas vraiment convaincants, générique supermanien parce que c'était la mode à l'époque), il suscite l'empathie pour ses héros et s'en sort bien dans son délire science-fictionnel. La Denrée (Jacques Villeret) est un personnage sympathique, anticipant de quelques mois ET. Sauf que lui préfère la gnole à la bière et n'a pas besoin de téléphoner à la maison pour repartir, vu qu'il fait des allers retours avec son propre vaisseau. Si le costume est un brin ridicule, son vaisseau est plutôt classe. La science-fiction ne s'arrête pas là, puisqu'il y a évidemment le retour de Francine.


La Soupe aux choux est donc un film atypique dans le paysage français. Sans être incontournable ou dénué de défauts, il n'en reste pas moins terriblement sympathique et peut être vu comme le chant du cygne de De Funès (son dernier film hors franchise), comme de Jean Girault (il ne finira pas Le Gendarme et les Gendarmettes, décédant en plein tournage). Puis difficile d'oublier la musique entêtante de Raymond Lefebvre.


La fin d'une ère pour le cinéma français et plus particulièrement la comédie, qui perdait deux de ses plus grands artisans.

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le 3 juin 2024

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