Le cinéma maudit du grand Erich Von Stroheim témoigne encore aujourd'hui de sa remarquable emprise et de son extraordinaire modernité. Souvent mutilée, re-montée au cours des décennies voire invisible dans son intégralité l'Oeuvre du cinéaste implique non seulement des chefs d'oeuvre reconnus tels que le bouleversant Greed et le flamboyant Folies de Femmes mais aussi d'inestimables raretés...
C'est le cas de La Symphonie Nuptiale, véritable joyau cinématographique dont la munificence porte de sceau de son réalisateur : démiurgique, poétique et symbolique ce film-fleuve initialement composé de deux parties n'est aujourd'hui malheureusement visible que de moitié, le second film étant officiellement introuvable voire détruit. Von Stroheim y reprend son personnage d'aristocrate hautement caractérisé par son célèbre monocle, ses mains gantées et son porte-cigarette pour mieux signifier l'amertume de son intrigue : en reprenant tout en la nuançant la figure cynique du notable de Folies de Femmes l'acteur-réalisateur signe une oeuvre déchirante sur les valeurs peu reluisantes de la conjugalité. Il reconstitue le faste viennois des années 1910 avec une saisissante maîtrise de la grammaire visuelle, capable de faire se succéder de majestueux plans d'ensemble à de somptueux gros plans.
L'audace du découpage n'empêche pas l'extrême limpidité d'un récit voué à l'intemporalité et à l'universalité. Erich Von Stroheim dilate la durée de ses séquences pour mieux faire naître l'émotion... En ce sens la fameuse scène de la déclaration amoureuse de Nicki à Mitzi ( Fay Wray, sublime ) est un miracle d'enchantement stylistique. Cette fausse naïveté contraste d'ailleurs avec l'évidente vulgarité de la haute bourgeoisie viennoise, littéralement orgiaque et pervertie. La Symphonie Nuptiale reste un formidable film qu'il serait bon d'exhumer de l'oubli, tant sa beauté et son désenchantement nous parlent encore et toujours aujourd'hui. Superbe.