Lors de ses premiers longs métrages, il faut savoir que Jonas Mekas n'a pas encore inventé le journal filmé, forme qui lui vaudra une formidable réputation chez les initiés. Avec "The Brig", il nous propose sa vision crue et abrupte d'une pièce culte du Living Theatre. Croisement entre les thématiques d'un "Full Metal Jacket" et le magnifique noir et blanc d'un "Down by Law", ce huis clos carcéral est une plongée saisissante d'une heure environ dans le quotidien harassant d'une prison militaire pour Marines dans les années 50. Le décor se limite à une seule pièce, qui est un cachot dans lequel sont enfermés une dizaine de prisonniers, sous le commandement de plusieurs sergents et caporaux. Ces prisonniers vivent au rythme infernal des brimades humiliantes administrées par leurs geôliers. En plus de ça, ils doivent effectuer des tâches particulièrement ingrates ou simplement inutiles. Tirer brutalement de leur lit à des heures pas possible, ils doivent continuellement demander l'autorisation de passer la ligne de séparation entre le cachot, et les toilettes ainsi que la salle d'exercice. Pour cela, ils doivent sans cesse crier les mêmes invectives, qui sont celles que l'on leur a enseigné dès leur arrivée. Tout compte fait, ce sont des phrases classiques d'instruction militaire, mais dans cet espace restreint, elles créent un brouhaha constant donnant à la prison des allures de zoo et surtout d'asile de fou.
Cet exercice expérimental de huis clos total n'a pas l'optimisme et la magie de ces journaux filmés, mais il distille une ambiance unique à travers ses mouvements de caméra. C'est un véritable pamphlet contre la discipline militaire qui confine à la perversion déshumanisante.