Placé sous le patronage d’Albert Camus, ce nouveau film du réalisateur kazakh Adilkhan Yerzhanov est définitivement francophile. Non seulement son personnage principal est un lecteur passionné du philosophe de l’absurde, de la révolte et de l’amour, mais l'extravagance de son scénario et la pétulance de sa palette chromatique le placent dans la filiation des films les plus joyeusement absurdes de la nouvelle vague française, Pierrot le fou en tête.


Francophile dans son ton, il n'en reste pas moins kazakh dans sa matière, puisque ce sont bien les beautés arides de la steppe, dont toute la splendeur nous est restituée par une photographie lumineuse, qui inspirent à ses héros le sentiment du sublime. Ne laissant rien au hasard, le géomètre Yerzhanov soigne ses cadres qui deviennent les écrins somptueux de compositions soignées.


« Hors du soleil, des baisers et des parfums sauvages, tout nous paraît futile », affirmait Camus dans Noces après avoir décrit dans un langage à la sensualité troublante les multiples couleurs des paysages algériens. Totalement insensibles à l'attraction de l'argent ou du pouvoir, les protagonistes de La tendre indifférence du monde y préfèrent de la même façon la contemplation amoureuse de champs fleuris baignés de lumière, qui leur enseigne la double vérité de la gratuité et de l'éphémère. « S'il est vrai que toute vérité porte en elle son amertume, écrivait encore Camus, il est aussi vrai que toute négation contient une floraison de ''oui''. Et ce chant d'amour sans espoir qui naît de la contemplation peut aussi figurer la plus efficace des règles d'action. » Entraînés malgré eux dans un malheureux enchaînement de circonstances, les deux amants vont tout tenter, malgré leur connaissance de la fin tragique qui les attend. De cette bataille perdue d'avance, ils sauront tirer l'heureuse satisfaction d'avoir été des Sisyphes heureux.

etsecla
7
Écrit par

Créée

le 7 août 2019

Critique lue 103 fois

etsecla

Écrit par

Critique lue 103 fois

D'autres avis sur La Tendre indifférence du monde

La Tendre indifférence du monde
EmmanuelLorenzi
9

Un film d'une beauté envoutante et d'une rare poésie

Oui bon d'accord, convaincre les spectateurs d'aller voir un obscur film kazakh (en vo), réalisé par un cinéaste sorti tout droit de nulle-part, voilà qui risque d'être une gageure. Réalisé avec...

le 8 nov. 2018

11 j'aime

22

La Tendre indifférence du monde
seb2046
7

Je m'ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde...

LA TENDRE INDIFFÉRENCE DU MONDE (15,2) (Adilkhan Yerzhanov, KAZ/FRA, 2018, 99min) : Cruel conte moderne plein de candeur dans un Kazakhstan corrompu. Le réalisateur s'appuie sur une méticuleuse mise...

le 29 oct. 2018

4 j'aime

1

La Tendre indifférence du monde
JolanF
7

Violente Nature

Le conte tragique de Yerzhanov est une œuvre hybride qui commence par une fleur et du sang. En un seul plan, le cinéaste en dit énormément : A partir de ce moment calme et brutale (ainsi que la...

le 30 oct. 2018

3 j'aime

Du même critique

Corps et Âme
etsecla
8

Brillant et décalé

Un homme (Géza Morcsányi) et une femme (Alexandra Borbély), handicapés chacun à leur façon, aussi farouches que des animaux sauvages, se croisent tous les jours sans arriver à créer de lien...

le 24 avr. 2020

5 j'aime

1

À voix haute - La force de la parole
etsecla
8

Eloquentia

A voix haute ne se raconte pas. Il se vit. Si le documentaire est à ce point une expérience viscérale, c’est qu’avant de terminer en point d’orgue sur les médusantes performances des candidats lors...

le 23 mai 2020

3 j'aime

2

Wallace et Gromit - Rasé de près
etsecla
7

Indémodelable

Après avoir rassemblé les deux premiers court-métrages des aventures de Wallace & Gromit dans Les inventuriers, le distributeur Folimage nous propose cette fois-ci de (re)découvrir le troisième...

le 24 avr. 2020

3 j'aime