Ce fut l'ultime film de Mikhail Kalatozov, réalisateur capable des plus belles prouesses techniques, à tel point virtuose qu'il est aujourd'hui - malgré sa méconnaissance aux yeux du grand public - étudié, analysé, décortiqué dans bon nombre d'écoles de Cinéma du monde entier. A l'instar de ses confrères russes contemporains Kalatozov était un cinéaste impliqué, concerné par les préoccupations de son pays, tant est si bien qu'il accoucha d'une filmographie faite en partie d'oeuvres de propagande, oeuvres pourtant plus qu'estimables sur un plan essentiellement cinématographique. Principalement connu pour les deux véritables chefs d'oeuvre de technicité que représentent le poétique Quand passent les Cigognes et le grandiose Soy Cuba ( se distinguant par son virevoltant plan-séquence d'ouverture ) il réalisa donc La Tente Rouge au sommet de sa réputation, épaulé d'une équipe artistique solide dont deux stars et un compositeur prolifique.


1969 est pourtant l'année d'une insignifiance cinématographique pour Kalatozov, tant sa Tente Rouge n'affiche que lourdeurs narratives et banalités visuelles. L'éventuel survival proposé dans la première demi-heure ne dégage pratiquement aucune puissance, pour deux raisons rédhibitoires : d'une part pour son indigence psychologique, d'autre part pour la monotonie de son montage parallèle entre le groupe d'explorateurs et l'équipe de secours radiophonique. Nullement développée par le cinéaste l'angoisse groupale est ici remplacée par une attente moribonde qui, pour le spectateur, confère à l'ennui patachon. De la même façon qu'il désamorce le suspense en montrant l'équipe de secours avec étirement le public se désintéresse peu à peu de cette épopée plan-plan...


Sean Connery, encore assez jeune à l'époque du tournage, semble grimé dans le seul et unique but de ringardiser l'ensemble et le personnage de Claudia Cardinale ne témoigne d'aucune utilité, pur à-côté promotionnel à peine séduisant au bout du compte. La Tente Rouge semble n'avoir finalement que peu de choses pour elle malgré son capital de base, exceptée la jolie partition d'Ennio Morricone et ( si l'on cherche bien ) une ou deux fulgurances visuelles au détour d'un aéroport rappelant amèrement - et sans atteindre le dixième de leur flamboyance - les travellings aériens d'un Quand passent les Cigognes...


Film apathique et insuffisant La Tente Rouge s'oublie de fait assez facilement, parce qu'il est surtout un métrage impersonnel et pas mal plombant sur les bords comme au milieu, ni vraiment film d'aventures, ni vraiment thriller, ni même simple commande authentique pour l'ère du père Brejnev : plutôt un vague documentaire à peine romancé sur les atermoiements d'une mission de sauvetage. Bof.

stebbins
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le 7 mai 2015

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