La Terrasse est un film bavard et lent, maniéré et tragi-comique. Une terrasse cossue, une soirée mondaine à la sauce gauche caviar et cinq points de vue masculins. La terrasse d'Ettore Scola brosse un ensemble de portraits féroces dessinés à l'acide sur le vieillissement du vieux mâle rongé par la lente déchéance morale de l'embourgeoisement. Envolés les idéaux de transformation du monde, que ce soit dans l'art ou la politique, dans ce clair-obscur gramscien, cette bande d'établis post-marxistes ne sont que des fantômes, condamnés à être leur propre caricature pour espérer lutter contre la décrépitude de l'âge. Sinistre tableau qui dépeint avec un certain sens du comique le crépuscule d'une époque italienne bientôt révolue. La Parti communiste italien, autrefois si puissant, entame sa longue agonie tandis que le cinéma italien, jadis si lumineux, s'abandonne au mercantilisme le plus crasseux. Les intellectuels encore fidèles à leurs principes n'ont d'autre choix que de disparaître : arrêter de manger pour éviter d'être bouffés.
Dans ce ballet tragi-comique, tous ces hommes sur le retour tentent vainement d'attirer encore leur regard des femmes, dernier moteur vital de ces nantis pathétiques. En vain, celles-ci ne peuvent que contempler, ahuries, le lamentable tableau d'une masculinité qui s'est abîmé depuis longtemps sur le récif de la la fatuité bourgeoise. Et l'on comprend vite qu'elles n'auront rien à espérer de cette engeance masculine.
Une morale sublime en exergue de ce film : "Les privilégiés dépressifs sont bien pires que les privilégiés satisfaits"... CQFD