J'adore l'univers de Wes Anderson. Son inventivité old school, son foisonnement d'astuces bout-de-ficelle et son talent de conteur m'ont si souvent ému (particulièrement dans Moonrise Kingdom et Au bord du Darjeeling unlimitied). Mais là, je dois dire que le bonbon a eu du mal à passer. Certes le film est d'une beauté formelle incontestable, dans la veine de Grand Budapest Hotel. Un magnifique emballage pour un film ... qui ne raconte rien ou presque.
Wes Anderson situe l'action dans une France qui fleure bon la nostalgie, totalement fantasmée et irréelle. Pourquoi pas. Sauf que là, même la carte postale sonne faux. Les dialogues essentiellement en anglais avec quelques tirades en Français, de même que ces références permanentes à l'iconographie du film noir américain (la France c'est plus la guillotine que la chaise électrique !) ne permettent guère de comprendre pourquoi le réalisateur a décidé de porter son dévolu sur la France. Sauf à envisager que la France se résume à des voitures ringardes, des costumes vintage, des chansons rétro et une architecture hausmannienne. A moins qu'il ne s'agisse de faire plaisir à une co-production française espérant attirer un public dans les salles de l'hexagone. Wes Anderson aurait mieux fait de situer son action aux Etats-Unis, cela aurait sonné moins faux. A titre d'exemple, l'évocation de mai 68 vue par un américain facétieux aurait pu être un moment de bravoure comique. C'est certes un beau moment de mise en scène avec des trouvailles amusantes (la partie d'échecs...), mais on peine à décrocher un sourire et à aucun moment on ne peut s'identifier aux personnages.
Le casting démentiel fait le même effet. Nous avons droit à une collection d'acteurs talentueux qui à quelques exceptions près (dont Léa Seydoux) sont sous-utilisés. De fait, on a l'impression de voir un film à sketches sans queue ni tête. La direction d'acteurs est, de fait, réduite à la portion congrue, quel gâchis !
L'inventivité formelle, même foisonnante, a ses limites quand on n'a rien à raconter. Ce qui est franchement le problème de The french dispatch.
Au final, le film est beau, très beau, et on peut être légitimement ébahi par l'artisanat cinématographique de Wes Anderson, l'effet de surprise en moins car c'est devenu depuis longtemps sa marque de fabrique.
Le film est en tout cas cohérent sur un point ; le nom de la ville où se déroule l'intrigue porte un nom assez évocateur : Ennui.