Longtemps considéré comme perdu, La Terre qui flambe fut retrouvé chez un prêtre italien qui projetait l’œuvre dans un asile d’aliénés. Un film peu connu dans l’œuvre de Murnau, qui constitue pourtant un virage dans sa filmographie.
Quelque part dans l’actuelle Pologne, se trouve un champ maudit. Après avoir tué un chasseur de trésors dans une explosion d’origine mystérieuse, il est désormais aux mains d’un comte qui s’est également mis à la recherche de la fortune que ce champ est supposé cacher. Non loin de là, un vieux paysan se meurt. Ses deux fils, Peter et Johannes, sont très différents. Le premier a adopté le mode de vie paysan, reprenant en main la terre familiale, quand Johannes aspire à une autre vie, et lorgne du côté de la noblesse voisine. La richesse devient vite l’obsession de ce dernier, pris par cette même fièvre qui accablait déjà le vieux comte. C’est le début d’une longue spirale infernale où l’argent ne fait pas le bonheur.
Jusqu’ici, le cinéma de Murnau était très marqué par l’expressionnisme, et ses films suivaient des mécaniques et des thématiques emblématiques du mouvement. Cette fois, le cinéaste semble opérer un premier virage, explorant des sujets qui seront au cœur de ses prochains films, à commencer par la cupidité et les séparations entre les différentes classes sociales. Des petites maisons aux plafonds bas et aux intérieurs sommaires, nous passons au faste d’un château aux salles immenses où se tiennent d’importantes réceptions. Nous suivons le point de vue de Johannes, si étranger au monde où il est né, et guidé par un idéal basé sur la réussite financière, où le faste constitue sa perspective d’avenir rêvée. La Terre qui flambe unit et désunit nobles et paysans, l’argent devenant un poison qui embrume les esprits et qui pousse les individus à mettre en place des machinations innommables pour leur propre profit.
Cette vision d’une destruction de l’Homme et de la société par l’argent est relativement nouvelle chez Murnau, mais va baliser la suite de sa filmographie, constituant un motif récurrent dans cette dernière. On pense forcément au prochain Fantôme (1922), qui partage beaucoup de points communs avec La Terre qui flambe, mais aussi aux Finances du Grand Duc (1924), sous un angle plus comique. On pense également à la déchéance du héros du Dernier des Hommes (1924), à la vanité de Faust dans le film du même nom (1926), ou encore à cette même perversion d’un homme de campagne par la ville et les artifices mondains dans L’Aurore (1927). Cette première vision, qui ressemble à une vieille fable, ne manque pas de symbolique pour raconter ce qu’elle a à raconter, de la dissidence du jeune frère à l’embrasement final.
Murnau orchestre et met en scène machinations et trahisons, laissant ses personnages être guidés et égarés par leurs pulsions et par leurs obsessions. La Terre qui flambe, au-delà d’être un film éloquent et symbolique, est donc un point important dans la filmographie de Murnau. Avec ses sujets universels et intemporels, il vient nous mettre face à notre propre condition et à notre vanité, emportant cette dernière dans un immense tourbillon de flammes.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art