S’il est une qualité qu’on peut souvent trouver au cinéma français, c’est celle de l’authenticité : nombreux sont les films qui parviennent à proposer une incursion dans un milieu, en décrypter les enjeux – et souvent, les tensions tragiques – avec justesse.
La tête haute s’inscrit clairement dans cette mouvance. Récit social à la limite du documentaire durant certaines séquences, le film suit la trajectoire chaotique d’un jeune garçon, Malony, qui multiplie les larcins et les récidives.
Avec une ambition exhaustive, Emmanuelle Bercot restitue les rouages du système et la façon dont celui-ci gère un électron libre incapable de se confronter au cadre d’une vie collective. La tête haute, de ce point de vue, est un film sur les structures : plutôt que de ne s’attacher qu’au parcours destructeur du jeune homme (Rod Paradot, impressionnant), la dynamique est celle de sa cohabitation avec ses entourages : sa famille, d’abord (sa mère, surtout, toxique), la juge pour mineurs (Catherine Deneuve, qui décidément transcende n’importe quel rôle) ou l’éducateur, les différents centres qui l’accueillent. Alors que le film social définit généralement le cadre comme un élément prépondérant du déterminisme, on s’attache ici davantage à montrer comment les institutions viennent en aide à ceux qui décrochent.
Evidemment, le risque est grand de glisser vers un panégyrique peu subtil sur la France, terre de l’aide sociale, écueil qu’évite savamment Bercot qui sait prendre une distance avec tous les partis en présence : on ne charge personne, on constate : comment la violence s’impose à un individu en souffrance, comment la persévérance des travailleurs sociaux ne paie pas toujours, et quelles peuvent être, aussi, leurs erreurs.
Cette volonté de ne pas virer à la démonstration trop orientée (pamphlet social à la Ken Loach ou documentaire type Education Nationale) légitime donc les errements du parcours et les nombreuses rechutes du protagoniste. La structure narrative n’en est pas moins assez répétitive (le nombre d’auditions devant le juge, pour un « rendez-vous de la dernière chance », est franchement redondant) et la frustration face à la stagnation irrite plus qu’elle n’émeut ou n’interpelle au bout d’un moment.
On est donc d’autant plus étonnés de constater les voies de dénouement proposées à cette tranche de vie. Parce qu’il semble inconcevable de ne pas conclure sur des ébauches d’espoir, le récit s’embourbe dans une histoire de paternité, et d’avortement annulé au dernier moment particulièrement malvenu, surtout qu’il se fait avec l’assentiment d’une éducatrice qui regarde les tourtereaux immatures avec la tendre certitude que ce sera dur, mais que tout est possible. On en viendrait presque à se demander si cette bifurcation est ironique au vu de toute la démonstration qui vient d’être faite durant deux heures…
Film sincère, authentique, un peu maladroit sur sa durée son final, La tête haute est méritant. On a envie de lui laisser ces chances dont il parle souvent très bien.