"Seule contre la justice ! J'les encule tous ces bâtards !"

Oreilles pudiques s'abstenir.
Ici on est dans du réalisme madame. Du vrai.
"La Tête Haute" est typiquement le cinéma que je vomis. Celui qui se dit "social" et qui de ce postulat décide de se métamorphoser en docu-fiction. Tendance pénible qui consiste à oublier le premier terme de l'expression "cinéma social".
Car ici le réalisme se veut total. On est loin d'un "Polisse" où malgré l'intrigue et le jeu ultra naturel des acteurs, on se sentait toujours dans un film.
Plus question de cinéma dans "La Tête Haute". Paradoxalement, c'est ce qu' Emmanuelle Bercot, selon ses dires, a voulu faire avec ce film, fuyant le docu.
Raté.
Mais soit, acceptons l'idée réaliste, l'idée de voir durant deux heures, la face la plus pénible d'une société, de n'y trouver que misérabilisme, dépression et déchirements, idée qui fait vraiment rêver...
Mais quitte à nous faire du réalisme, au moins en faire un bon !
Ou plutôt un vrai !
Le paradoxe du film est total : jamais cinématographique mais trop invraisemblable pour être réaliste.
Incohérences à la pelle, musique larmoyante, très souvent prévisible (un accident ? tiens je m'y attendais pas), ...
En plus d'accumuler tous ces défauts, le film y rajoute une esthétique impersonnelle au possible. Fade et vide, la caméra ne fait que ressasser du pré-existant, à l'image du scénario, très longuet, qui répète inlassablement des hauts et des bas constants. Le film ne cesse de convoquer des clichés : gros plan sur une feuille qui joue au contre-jour, scène de night club aux images colorées et brouillonne, course dans les couloirs de l’hôpital, tout est vu et revu déjà cent fois dans n'importe quel drame français. Alors pourquoi recommencer ?
De plus on assiste à tous les sujets possibles et inimaginables. Différences sociales (avec un mépris certains et un ridicule osé et caricatural pour de nombreux personnages - la mère en tête -), racisme, délinquance, sexe... On aura tout vu.
S'en est parfaitement lassant.
Enfin on ne cesse de percevoir en le point de vue de Bercot des espèces de titillement du spectateur ; la réalisatrice cherche à nous faire voir quelque chose, à attirer notre attention sur un point.
Exemple : La juge (interprété subtilement par Deneuve, l'un des rares points positif de ce film) prend discrètement un bonbon à la menthe durant le procès. Ou bien l'avocat secoue sa montre. Ces détails pullulent. Mais POUR QUOI ?
Par ces longs plans subjectifs, que cherche à nous faire penser la réalisatrice ? Que devons nous y voir ?
Bercot ne cesse de renvoyer la culpabilité à ses personnages, par des longs plans distillant chacune de leurs émotions, sans jamais proposer de tels renvois culpabilisateur à son personnage principal, pourtant au cœur du problème.
Il y aurait-il, pour prendre un autre exemple, une critique du système carcéral par ce long plan-séquence maladroit qui, durant plus d'une minute, nous propose de voir de loin le héros, accompagné d'un gardien, ouvrir différentes et nombreuses portes de sécurités.
Au final on ressort terriblement lassé par ce film qui ne nous fait pas nous attacher aux personnages, qui nous rabâche à grands coups de violence, d'insultes et de misérabilisme des réalités quotidiennes dans le but d'offrir aux "bobos téléramesques" de quoi se rebeller durant deux heures, sur fond de Schubert.
Pseudo film social raté, esthétiquement nul, le film vaut néanmoins pour le jeu puissant de ses "acteurs" (en sont-ce vraiment ?) et son intrigue qui arrivent néanmoins à ne nous faire pas sortir énervés de la salle.
Et pour revenir rapidement à la comparaison trop facile faite avec "Mommy" de Dolan : "Mommy" c'était du cinéma, du bon, de l'original. Ici on se vautre dans une complaisance certaine de misérabilisme qui nous enferme dans un quotidien désespérant.

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le 13 mai 2015

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Charles Dubois

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