La Tête Haute est une fable sociale autour du parcours de Malony, un délinquant mineur porté à bout de bras par des éducateurs et une juge pour enfant.
Malony est pris en otage par son contexte social dysfonctionnel. À coup de tolérance et d’acharnement, les institutions tentent de le sortir du cercle du déterminisme social.
Le rayon de soleil de la narration : Tess, une jeune fille dont il tombe amoureux.
Attendri par son charisme, sa violence « animale » et ses mains crispées, le spectateur semble devoir s’attacher à Malony. S’attacher tellement à lui qu’on devrait en oublier que le premier rapport sexuel qu’il aura avec Tess est tout simplement un viol.
(Spoiler alert) : sous couvert de réalisme cru, on le voit frapper et forcer sa douce avec une violence inouïe. Tous mes doigts croisés, j’osais espérer qu’Emmanuel Bercot, dans sa volonté de nous narrer la quête d’une justice sociale, va apporter du sens à cette scène.
Et bien non. La scène suivante montre Tess quitter sa position fœtale pour aller consoler son bien aimé en pleurs (après l’avoir violée). Quelques jours plus tard, Tess appelle son agresseur pour lui dire qu’elle ne dira rien de « ce qu’y s’est passé », et qu’elle pense beaucoup à lui. Miam.
Tess va tomber enceinte de son prince charmant. Malony.
Dans une scène assez pathétique où il arrache Tess (sans son consentement) des bras des médecins qui étaient en train de procéder à son avortement, prend (seul) la décision de devenir père. Donc, cet être incontrôlable et irrationnel, se lance donc dans l’aventure de la paternité.
La conclusion du film serait donc « la réparation par l’enfant ». En totale contradiction avec le déterminisme social illustré, on voudrait donc conclure sur une « happy end ». L’idée est de nous laisser penser que Malony va donc, à 17 ans, s’éduquer, se soigner et se construire avec cet enfant sous le bras, issue d’une relation amoureuse plus que bancale.
Est-ce que Emmanuel Bercot a sérieusement pensé apporter à son film des allures de conte de fée avec cette « histoire d’amour » ? Est-ce que Tess est supposée être la lueur d’espoir dans la vie de Malony ?
Je cherche désespérément un critique constructive du film mentionnant cette relation débutant par un rapport non consenti, et se terminant sur une avortement empêché et une paternité en guise de délivrance. Ce film ne se contente pas d’être juste un « film médiocre », il est dommageable. Présenté en grande pompe au festival de Cannes, encensé par la critique, et présenté comme une « conte social brillant », rappelons que le propos initial du film concerne la protection des mineurs.
La Tête haute encourage à réfléchir sur les problématiques de la juridiction et de la délinquance. Dans un film qui utilise le réalisme pour servir un message politique, est-il vraiment possible de banaliser cette violence ? Comment s’attaquer à cette thématique en bâclant son propos et en rendant une agression anecdotique ?
La narration qui voudrait nous inviter à pardonner ce personnage « blessé mais attachant » est sommaire voire dangereuse. N’oublions pas le pouvoir et l’impact des représentations dans l’esprit des jeunes qui s’identifient volontiers à des figures et des histoires d’amour sur grand écran.