Franchement, d'une manière générale, je trouve que ce n'est jamais super facile de critiquer les films dits "sociaux" du point de vue de leur réalisme. Je veux dire, ce n'est quand même pas évident d'écrire que telle scène est "caricaturale", "trop éloignée de la réalité", "grossière" quand on ne baigne pas dans la situation. Donc, quand ça parle d'infirmières en colère, d'émigrants clandestins, de conflits armés, d'intégrisme religieux, de drogue ou de pauvreté, la plupart du temps, je ne me sens pas légitime et je ferme ma gueule, me contentant souvent d'être plus critique sur la forme que sur le fond.
Aujourd'hui, c'est différent. Parce que La Tête haute traite de délinquance et de justice des mineurs. Et que par un heureux hasard, il se trouve que j'en connais beaucoup, des délinquants et des éducateurs de la Protection Judiciaire de la Jeunesse.
C'est normal, vu que depuis presque une dizaine d'années, j'en suis un (éducateur de la PJJ, hein, pas délinquant !)
Alors, allons-y directement : La Tête Haute est-il un film réaliste ?
Franchement, oui.
Mise à part, la "love story" de Malony un poil "too much" pour moi, le film n'est presque jamais caricatural. Catherine Deneuve et Rod Paradot sont étonnement justes et les situations sont très crédibles. On sent bien que la réalisatrice a traîné de longues journées dans les Tribunaux pour Enfants et qu'elle a essayé d'en retranscrire les enjeux, les drames et les difficultés.
Bien sûr, des "Malony" ne constituent pas l'ensemble de la jeunesse délinquante et, putain, heureusement pour mes collègues et moi. Mais au bout de quelques années, on a tous été confrontés à des jeunes au profil et au parcours franchement similaires et on a tous usé sur eux des mêmes discours et des mêmes outils éducatifs... Parfois même avec succès, c'est dire à quel point tout n'est pas désespéré.
Et malgré ses maladresses narratives, ses longueurs et sa mise en scène inégale, je suis éternellement reconnaissant à Emmanuelle Bercot d'avoir voulu témoigner (avec justesse) des vies adolescentes esquintées et de ceux qui essayent, tant bien que mal, de les réparer.
(Et comme je ne suis pas prêt de revoir un film sur la PJJ avant un sacré bout de temps, et que je me sens un peu plus fier aujourd'hui qu'hier du métier que j'exerce, je surnote légèrement, vous ne m'en voudrez pas).