La saga The Dark Tower est probablement l’œuvre majeure de son auteur, Stephen King, mais est aussi paradoxalement une de ses moins connue du public. Comme beaucoup d’écrivains, ses œuvres ont avant tout été popularisées par les adaptations cinématographiques ou télévisuelles dont elles ont fait preuve et sur ce point, King est probablement un de ceux qui a le plus eu droit de voir ses écrits être transposés à l’écran. Généralement connu pour ses récits horrifiques, il a aussi engendré une superbe saga de « fantasy » (mêlant plusieurs genres comme le western, l’horreur et le fantastique) qu’Hollywood rêve d’adapter depuis des années. D’abord passée entre les mains de J. J. Abrams avant celles de Ron Howard, elle atteint enfin les salles de cinéma sous la direction du metteur en scène danois Nikolaj Arcel, avant d’être aussi déclinée en série qui se centrera sur la jeunesse du protagoniste, le gunslinger Roland.
Ayant la réputation d’être une saga inadaptable malgré tant d’années de tentatives, il est dommage de constater qu’une fois que l’une d’elles a pu enfin voir le jour, le réalisateur ne s’est pas vraiment donné la peine d’essayer. Nikolaj Arcel n’a visiblement pas eu les épaules ou l’envie de se donner trop de mal car de sa durée dérisoire à son exécution sans relief, tout laisse à croire que ce film a été fait sans la moindre passion ou ambition. Au mieux, certains en retiendront un blockbuster lambda avec ses moments efficaces, au pire, les fans de l’œuvre de King y verront une insulte. Car le scénario ne sait jamais si il veut être une suite aux livres ou si il se veut en résumé très concis de ces derniers. Pas assez explicatif pour vraiment donner un aperçu de l’étendu de son univers et surtout pas assez innovant pour susciter la sympathie des fans, The Dark Tower a potentiellement la possibilité de ne plaire à personne par faute de ne pas savoir ce qu’il veut être. Le récit est beaucoup trop court et précipité pour avoir le temps de poser ses personnages et des enjeux qui se veulent épiques. En résulte un traitement de surface qui ne crée ni attachement ni intérêt pour ce qui se passe à l’écran.
Le scénario sera au final assez simple à suivre parce qu’il en est tout simplement simpliste. Évitant toute la complexité initiale de la saga qu’il adapte, il tombera dans le récit attendu du bien contre le mal avec un manichéisme absolument ridicule. La palme revenant aux motivations des personnages, entre un méchant qui semble tout droit sorti d’une parodie des Power Rangers ou le parcours émotionnel du pistolero qui ferait presque rivaliser sa personnalité avec celle d’un mollusque. Il est criminel qu’avec des acteurs comme Idris Elba et Matthew McConaughey, le film n’essaie même pas de leur donner quelque chose à jouer. Surtout qu’une telle confrontation était pleine de promesses mais n’aboutie ici que rarement. Les deux acteurs ont quand même leurs moments, et ils sont aussi accompagnés par le jeune Tom Taylor qui s’impose avec une certaine conviction. Idris Elba, même si assez monolithique, irradie de charisme et il n’a pas à forcer pour marquer une scène de sa classe et son imposante présence. De même pour McConaughey qui s’amuse très clairement dans sa partition de méchant très machiavélique. Il en fait clairement des caisses et flirte avec le ridicule mais son cabotinage arrive à divertir dans ses élans nanardesques. Même si on est loin de la confrontation épique promise, ils arrivent à maintenir le spectateur éveillé au milieu de cette histoire inerte et terriblement classique.
Nikolaj Arcel ne fait pas non plus beaucoup d’effort sur la réalisation. Sans être honteuse, elle reste terriblement fade et « cheap » par son manque d’imagination flagrant. Même quand les scènes d’actions sont plutôt efficaces dans leur exécution, Arcel arrive à insuffler de l’énergie et de la lisibilité dans les affrontements, elles sont desservies par des décors généralement vides et un statisme assez gênant. Le film donne l’impression de faire du surplace, on navigue souvent entre les mêmes lieux et il n’invite jamais au voyage ou à l’émerveillement. Il suffit aussi de voir comment le climax est expédié en une poignée de secondes et la rapidité avec laquelle il passe sur les enjeux émotionnels des personnages. Même le dernier plan est d’une économie de moyen qui s’avère gênante dans sa façon décomplexée de ne pas se donner la peine de se cacher. Arcel affiche son je-m’en-foutisme dans ce qu’il filme et tente de l’excuser par sa réalisation carré qui se montre correct, n’accumulant aucune grosses tares.
Au final, c’est exactement ce qu’est The Dark Tower. Un film qui fait tellement le minimum syndical qu’il ne peut vraiment échouer dans ce qu’il entreprend. En résulte un blockbuster insignifiant et oubliable mais qui n’est pas foncièrement détestable. On sera déçu de son manque d’ambitions ou qu’il ne se donne pas la peine de faire semblant de croire en ce qu’il entreprend. Et aussi que dans sa démarche il représente le parfait contraire de ce qu’est la saga de Stephen King. Mais, même si il ne mérite pas son nom, en l’état, le film de Nikolaj Arcel reste un divertissement qui possède ses moments sympathiques. Embourbé dans son classicisme, son scénario en devient interchangeable avec 90% des divertissements américains, et « cheap » dans sa démarche, il est cependant suffisamment énergique et concis pour ne pas ennuyer. Surtout que le duo d’acteurs a un fort capital sympathique et les contours nanardesques du film arrive même à amuser. C’est du divertissement par le bas, mais malgré tout The Dark Tower n’en est jamais vraiment mauvais. Mais ça en est presque pire, car ne faut-il pas mieux un film qui essaie au risque d’échouer plutôt qu’un film qui n’apporte strictement rien.
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