Avoir des idées c'est bien joli mais si c'est pour s'asseoir dessus ça sert à rien
La vague a une grande prétention, à savoir montrer comment peut émerger une dictature mais pas sous la forme d'un énième documentaire sur la question qui s'avérerait vite ennuyeux et banal, on dit tellement que le fascisme c'est mal qu'au final on ne prend plus ça très au sérieux, le film le montre très bien avec ce lycéen qui affirme qu'il est impossible de revoir une dictature en Allemagne tellement on les a mis en garde, affirmation démenti par absolument personne, le fascisme c'est mal, on le sait, pas besoin de s'inquiéter de le voir réapparaître, passons à autre chose, quelque-chose qui ne nous donne pas le sentiment d'être culpabilisés et qui nous semble plus actuel.
Eh ben non, la vague veut prouver le contraire en mettant en scène une classe ordinaire, voir stéréotypée à laquelle n'importe quel jeune peut s'identifier sans problème (le geek, le sportif, le timide...) et on y insuffle plus ou moins subtilement les bases d'une dictature avec tout ce qu'elle sous-entend. C'est là la grande force du film, transposer dans une classe lycéenne ordinaire autant d'éléments caractéristiques d'une dictature.
Les raisons qui poussent à l’apparition d'une autorité avec la frustration, les inégalités, l'individualisme, l'ennui, l'envie de bouger les choses... mais en parallèle l'absence de cause évidente pour laquelle se battre. Le leader qui ne s'impose qu'à la condition qu'il soit charismatique, même en démocratie (décisions prises par vote), en l’occurrence un professeur qui semble proche des élèves, qui critique ouvertement ses collègues et leurs pratiques qu'il juge hypocrites, peu efficaces... ce qu'essayent de faire à peu près tous les hommes politiques dans leur milieu comme en témoigne le discours final mêlant charisme et démagogie à la perfection.
L'importance pour l'individu d'appartenir au groupe et d'y apporter sa pierre à un édifice solide et collectif en étant mis en valeur pour ses compétences et son dévouement, ça donne de la confiance en soi et la sensation d'être estimé, c'est ce qui ressort des comptes-rendus de la semaine à la fin du film mais ça conduit à la disparition des individualités, tout le monde porte le même uniforme, salue de la même façon... et celui ou celle qui refuse de se conformer est petit à petit marginalisé (Caro qui commence par ne pas vouloir porter l'uniforme).
L'individu qui est déjà opprimé, rejeté, marginalisé qui est plus enclin que les autres à participer à ce projet avec l'exemple de Tim qui en viendra à illustrer le côté fanatique de la chose qui avant cela était déjà bien amorcé chez tout le monde, on ne réfléchit plus par soi-même mais collectivement et si quelqu'un menace ce collectif alors on en a peur, on l'exclu, jusqu'à l'opprimer (« nous avons pensé que nous valions mieux que les autres et pire encore nous avons exclu tous ceux qui avaient une opinion différente de la notre »).
La vague c'est une œuvre de qualité avec un vrai message, un bon film qui divertit et qui interroge avec une conclusion très bien mise en scène qui laisse sous le choc.