Je termine mon exploration de l'univers chandlerien par ce film peu connu, même s'il reste d'autres adaptations célèbres de Chandler comme par exemple la Dame du lac de Robert Montgomery qui est un bon classique du film noir, mais je n'ai pas le DVD, et j'en ferai sans doute la critique plus tard.
Dans les années 50, les détectives privés comme Sam Spade ou Philip Marlowe sont absents des écrans, il semble donc que le succès du film Détective privé (Harper) en 1966, ait influencé les studios hollywoodiens, et il est normal que la décennie 60 ne se soit pas achevée sans un retour de Marlowe.
Malgré un titre français idiot, on a là une adaptation d'un des romans les plus méconnus de Chandler, "The Little sister" connu en français sous le titre "Fais pas ta rosière" que j'avais lu juste après avoir vu ce film dans les années 70. Immortalisé par Humphrey Bogart, le célèbre privé ici relooké se lance dans une affaire ténébreuse (dont le résumé de la fiche du film ne donne qu'une image tronquée) qui est jalonnée de cadavres et où le pic à glace n'était pas encore l'arme préférée de Sharon Stone dans Basic Instinct, mais l'arme de prédilection des sinistres exécuteurs du "syndicat du crime", remplaçant souvent le bon vieux browning des films noirs à l'ancienne.
Si le scénario de Stirling Stilliphant reste fidèle à l'esprit du roman de Chandler et respecte habilement l'intrigue tout en la situant dans un contexte moderne de fin d'années 60, l'effet est un peu amoindri par James Garner, Marlowe sexy et qui reçoit plus de coups qu'il n'en distribue, mais aussi le plus faible, quasiment dénué d'expression. Plusieurs spécialistes ont déploré son apathie et sa mollesse, que même un numéro d'intimidation incroyable de kung fu de Bruce Lee n'arrive pas à dérider.
En effet, ce film rassemble les traditionnels éléments propres au polar (passages à tabac, verre de whisky revigorant, érotisme plus accentué, macchabées nombreux, meurtres sauvages, héros désabusé), mais Garner qui d'ordinaire est un bon acteur ayant tenu divers emplois consistants, semble ici complètement absent, c'est un peu dommage, mais bon, c'est un point de vue, il fait quand même l'affaire, rassurez-vous, même s'il n'a évidemment pas l'envergure et l'ambiguïté de Bogart. En plus, le réalisateur a l'audace de s'appeler Paul Bogart, un nom qui ici prend des allures de coïncidence gaguesque.
En dépit de cette petite imperfection, le film se laisse regarder sans ennui, on y retrouve une ambiance qui bien que typée années 60, rappelle les films noirs, avec un petit monde peuplé de truands vicieux, de flics agressifs, de danseuses de strip-tease, d'aventuriers du crime en tous genres et de petits hôtels miteux, c'est carrément une adaptation sous-estimée à ne pas négliger, qui réserve des séquences étonnantes comme celle de l'aguichante Rita Moreno dans une danse d'effeuilleuse sexy, et bien sûr celle qui constitue une vraie surprise avec l'entrée tonitruante de Bruce Lee en tueur frénétique (qui venait d'être Kato dans la série le Frelon vert) et qui réduit le bureau de Marlowe en champ de ruine en laissant le spectateur stupéfait.