La Vengeance du loup est assurément un des films les moins polis que j'aie pu voir sur le thème de la revendication des droits d'une minorité, amérindienne en l'occurrence. Peut-être l'équivalent d'un Melvin Van Peebles pour les droits des Afro-américains, toutes proportions gardées. On pourra regretter les considérations techniques générales qui le rapprochent régulièrement du téléfilm, amoindrissant à ce titre la portée du discours, mais la matière première demeure : avec une trame se focalisant sur des Indiens d'Amérique qui défendent leur territoire menacé, voilà un joli pavé dans la marre qui joue la carte de la provocation choquante sans détourner le regard.


On peut croire dans les premiers instants à un film militant un peu bas du front et consensuel, qui opposerait des gentils Indiens face à des Blancs destructeurs de l'environnement naturel, avec leurs gros bulldozers et leurs grandes tronçonneuses — portrait stéréotypé qui n'est sans doute pas totalement infondé en soi, sur le continent américain en particulier, mais qui du point de vue cinématographique n'offre pas une dialectique extrêmement enrichissante, on peut aisément en convenir. Dans cette production canadienne, le réalisateur polonais Ryszard Bugajski s'intéresse toutefois au parcours d'un avocat volontaire mais impuissant de la cause indienne, maintes fois perdue face à l'industrie de la déforestation, à la rencontre de la culture indienne malgré lui. Loin, bien loin de l'image du gentil Indien, il est amusant de voir apparaître Graham Greene dans le rôle de ce franc-tireur fort peu aimable dans sa façon de revendiquer ses droits : s'il existe un certain crescendo de violence, si ses intentions restent longtemps incertaines, on comprend assez vite que le kidnapping, l'homicide, ou encore l'écorchage de peau de jambe au couteau de Rambo ne lui font pas peur. Cette image très vindicative de la révolte écologique effrénée semble se situer à des années-lumière de celle qu'il renvoyait dans le très poli Danse avec les loups, sorti l'année précédente.


À l'issue d'un épisode dans une hutte de sudation chargée en ayahuasca, le vieux sage dira à l'avocat en transe "You dreamed anger. Your anger is real." Cette réplique offre une piste de lecture intéressante quant à la relation qui l'unit à son doppelgänger indien, sorte de matérialisation d'une mauvaise conscience occidentale, et donc de la colère que l'homme n'arrive pas (intentionnellement ou non) à exprimer. Clearcut filera cette métaphore de l'opposition entre les paroles et les actes dans un contexte de crise, avec cette colère incontrôlable et dangereuse en ligne de mire. Pour sa peinture des peuples indigènes à l'époque de l'Amérique contemporaine, en dépit d'un certain manque de souffle et de nuance, c'est un film qui peut valoir le détour.

Morrinson
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le 28 avr. 2020

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