Je suis femme
Premièrement, le film est inspiré d’une affaire retentissante des années 1950 : celle de Pauline Dubuisson. Mais cette fois ci, Pauline est remplacée par un personnage fictif : celui de Dominique,...
Par
le 20 oct. 2017
54 j'aime
5
Premièrement, le film est inspiré d’une affaire retentissante des années 1950 : celle de Pauline Dubuisson. Mais cette fois ci, Pauline est remplacée par un personnage fictif : celui de Dominique, elle-même remplacée par une actrice, Brigitte Bardot, tout bonnement incroyable. Le titre de l’œuvre, La Vérité, est significatif de l’envie même du scénario : relater un procès et son jugement tout en essayant de comprendre les péripéties qui ont fait que nous sommes arrivés aux soupçons en question qui accusent une femme d’avoir assassiné son amant. Mais au lieu de s’inscrire dans le cadre des films de prison ou d’œuvres purement judiciaires, Henri Georges Clouzot insère parfaitement ses temporalités à la fois visuelles et de récit, pour construire le portrait d’une femme en quête d’une liberté qu’elle n’aura sans doute jamais.
A l’image de ces nombreux plans qui montrent Brigitte Bardot seule dans son box dans cette grande salle de tribunal face à un parterre d’avocats ou de citoyens venus pour « brûler la sorcière », la jeune Dominique vociférera dans le vide, criera sa fureur face à une meute en quête de sang. La Vérité, c’est presque une affaire de vengeance : celle d’une société qui n’aime pas ce genre de jeunes femmes et la vengeance de cette jeune femme qui espérait dépasser sa propre condition de ménagère qui reste à la maison faisant des bons petits plats. Dominique n’était rien de tout cela : oisive, dépressive, elle voulait juste boire la vie comme elle buvait des coupes de champagne. Le film déploie ses rouages entre scènes de procès et flashbacks nous remémorant les instantanés d’une histoire amoureuse douloureuse, sensuelle, clivante, le genre de quête de l’être aimé impossible.
Henri Georges Clouzot , au-delà de son intelligence formelle, à la fois dans la cadre mais aussi dans le découpage, qui voit les époques interférer entre elles sans qu’il y ait ingérence de jugement, arrive à construire une œuvre riche qui marche sur la superposition de plusieurs dualités : celle entre la raison et la passion, le chaud des émotions et le froid des reconstitutions judiciaires, l’envie de liberté et une morale réactionnaire, et le miroir entre le personnage de Dominique et le reflet d’une Brigitte qui semble par moments jouer son propre rôle face aux journalistes qui l’épient à la moindre minute au moment de sa starification. De ce fait, le récit devient déchirant : car à travers la vie de Dominique, c’est une société qui se matérialise devant nous, ce sont tous les stigmates d’une jeune femme du début des années 60 qui se dessinent avec sa rébellion et son incandescence physique.
La performance de Brigitte Bardot offre une grande gamme d’émotions, allant du froid au méprisant jusqu’à la sensualité abandonnée. Aussi familières que sont ses manières et ses attitudes, sa franchise éhontée suggère une forme d’anarchisme d’une couche de la jeunesse contemporaine. Et pour autant, La Vérité n’est pas un scénario à charge ni même un pamphlet contre les hommes mais un portrait qui se positionne sur une question d’ordre plus global : la prédominance de la raison, du poids des preuves et des faits sur la vérité d’une passion, d’un quotidien, sur la chute d’un espoir. En cela, le film d’Henri Georges Clouzot devient une réelle tragédie, une descente aux enfers cruelle et audible, une histoire qui déclenche beaucoup d’émotions, comme lors de cette flamboyante tirade de Dominique, qui regarde ses accusateurs en les traitant de « morts ».
Créée
le 20 oct. 2017
Critique lue 1.7K fois
54 j'aime
5 commentaires
D'autres avis sur La Vérité
Premièrement, le film est inspiré d’une affaire retentissante des années 1950 : celle de Pauline Dubuisson. Mais cette fois ci, Pauline est remplacée par un personnage fictif : celui de Dominique,...
Par
le 20 oct. 2017
54 j'aime
5
Alors voilà, passons sur les détails de l'histoire, c'est le procès de Dominique, qui a tué son amant, et le synopsis fera ça très bien ; c'est donc un film de tribunal et de flash-back, j'imagine...
Par
le 21 août 2012
37 j'aime
1960, République française. Mais ça pourrait aussi bien être la France de Pétain, comme celle vue dans "le Corbeau". Un pays de rats, de vieillards haineux, médiocres, déterminés à tuer dans l'œuf...
Par
le 9 oct. 2018
36 j'aime
Du même critique
Un film. Deux notions. La beauté et la mort. Avec Nicolas Winding Refn et The Neon Demon, la consonance cinématographique est révélatrice d’une emphase parfaite entre un auteur et son art. Qui de...
Par
le 23 mai 2016
276 j'aime
13
Les nouveaux visages du cinéma Hollywoodien se mettent subitement à la science-fiction. Cela devient-il un passage obligé ou est-ce un environnement propice à la création, au développement des...
Par
le 10 déc. 2016
260 j'aime
19
Le marasme est là, le nouveau Star Wars vient de prendre place dans nos salles obscures, tel un Destroyer qui viendrait affaiblir l’éclat d’une planète. Les sabres, les X Wing, les pouvoirs, la...
Par
le 20 déc. 2015
208 j'aime
21