Je suis femme
Premièrement, le film est inspiré d’une affaire retentissante des années 1950 : celle de Pauline Dubuisson. Mais cette fois ci, Pauline est remplacée par un personnage fictif : celui de Dominique,...
Par
le 20 oct. 2017
54 j'aime
5
1960, République française. Mais ça pourrait aussi bien être la France de Pétain, comme celle vue dans "le Corbeau". Un pays de rats, de vieillards haineux, médiocres, déterminés à tuer dans l'œuf toute velléité de rébellion, surtout de la part de la jeunesse, qui se croit (déjà) tout permis. Un pays de merde, pas si loin de l'Espagne noire et grise sous la botte de Franco, en fait. Mais ça remue, quelque chose est en train de se passer. Du côté des étudiants, comme c'était le cas un peu partout dans le monde à cette époque-là. La vie de bohème se transforme petit à petit en une révolte - encore informulée en 1960 - contre une société étouffante, abjecte. Pas encore de conscience politique, mais, au moins, la conscience de son corps. Brigitte Bardot, le sublime animal à sang chaud, personnalise déjà tout ça, cette sexualité qui bouillonne et se moque des conventions, et va exploser à la gueule de la société très bientôt. Mais 68 est encore loin, il va falloir encore beaucoup souffrir d'ici là, et les victimes vont se compter par dizaines, centaines peut-être : des vies foutues, des rêves brisés, des cœurs piétinés par la médiocrité ambiante, par toute cette racaille vêtue de noir, en costumes-cravates étriqués qui s'imagine que son monde est éternel.
Clouzot, qui ne partage pas a priori beaucoup des points de vue de cette jeunesse rebelle, est sufisamment intelligent pour sentir que le vent tourne, et surtout pour adopter cette construction conflictuelle (nous, les jeunes, avec seulement notre amour comme arme, contre tous les autres, mais aussi le passé tel qu'il était contre son interprétation a posteriori...) qui lui permettra de vomir une fois encore sa haine éperdue pour le genre humain. "La Vérité" est - de loin - son meilleur film, parce que c'est celui où la Vie souffle, balaie régulièrement les constructions étouffantes, sadiques, du maître. Cette Vie, c'est, on l'a dit, la jeunesse, l'amour, mais c'est surtout Bardot, sublime, bouleversante : chaque fois qu'elle ouvre la bouche, les larmes nous viennent aux yeux. Il paraît que Clouzot n'a pas été tendre avec elle pour pouvoir obtenir une telle performance : on lui pardonnera aisément, et ce d'autant que Pialat fera de même quelques années plus tard, on sait que cette souffrance des acteurs est parfois le prix à payer pour qu'un film soit un peu plus qu'un "bon film"...
... et "la Vérité" est plus qu'un simple "bon film", c'est un film JUSTE. Un film NECESSAIRE aussi, vu l'état de la République Française. Il touche même à la grandeur lorsque Bardot crie cette phrase célèbre, et tellement juste : "Vous êtes tous morts !". Et elle, elle est tellement vivante, même réduite finalement à un cadavre exsangue : elle a échappé à la fausse vie des Morts Vivants.
Quelques mois plus tard, la Nouvelle Vague allait déferler, et ringardiser le cinéma de papa, dont Clouzot fut un maître. Mais grâce à "la Vérité", Clouzot, lui, ne serait jamais ringard.
Comment je sais tout ça ? Eh bien figurez-vous que j'y étais.
[Critique écrite en 2018]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2020/06/10/cine-classique-la-verite-de-h-g-clouzot-le-souffle-de-la-vie/
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Liste participative : les films qui vous font tomber amoureux de leur actrice principale...
Créée
le 9 oct. 2018
Critique lue 585 fois
36 j'aime
D'autres avis sur La Vérité
Premièrement, le film est inspiré d’une affaire retentissante des années 1950 : celle de Pauline Dubuisson. Mais cette fois ci, Pauline est remplacée par un personnage fictif : celui de Dominique,...
Par
le 20 oct. 2017
54 j'aime
5
Alors voilà, passons sur les détails de l'histoire, c'est le procès de Dominique, qui a tué son amant, et le synopsis fera ça très bien ; c'est donc un film de tribunal et de flash-back, j'imagine...
Par
le 21 août 2012
37 j'aime
1960, République française. Mais ça pourrait aussi bien être la France de Pétain, comme celle vue dans "le Corbeau". Un pays de rats, de vieillards haineux, médiocres, déterminés à tuer dans l'œuf...
Par
le 9 oct. 2018
36 j'aime
Du même critique
Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...
Par
le 29 nov. 2019
205 j'aime
152
Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...
Par
le 15 janv. 2020
191 j'aime
115
Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...
Par
le 15 sept. 2020
190 j'aime
25