Avec le talent d’écriture qu’on lui connaît, Lubitsch compose une comédie classique, à la fois amusante et intelligente, accompagnée de chansons et de danses aux chorégraphies soignées très bien filmées. Avec un Maurice Chevalier, à l’accent français inratable, dans le rôle du séducteur et Jeannette Mac Donald avec qui il a souvent formé un duo dans des comédies musicales des années 30, La veuve joyeuse est une adaptation gaie et drôle d’une opérette éponyme.
La valse à la chorégraphie finale vaut à elle seule le détour, démontrant le talent de mise en scène de Lubitsch qui par des prises en vue en hauteur filme une foule de danseurs et de danseuses, comme un monde qui tourne malgré lui grâce à l’amour, emporté le long des espaces qui se déploient dans une danse légère, charmante et propice aux plaisirs charnels. Toujours aussi subtil dans les images, qui n’en sont pas moins claires, et dans les dialogues, petits plaisirs à savourer sans faim ni culpabilité, desservant plus profondément une réflexion sur l’amour, la liberté et le mariage, Lubitsch parvient comme toujours à construire avec une simplicité remarquable cette savante combinaison de légèreté et de gravité, de sentiment et de réflexion, d’humour et de politique.
La thématique du caché, du privé, de l’intime est omniprésente et développée sous différents aspects le long du film (le voile, le mur du jardin, les portes des maisons et des pièces privées du restaurant Maxim). Elle vient s’opposer à la chose publique incarnée par le gouvernement d’un pays fictif de l’ouest, allusion claire au communisme, et à ses représentants, qui écoutent aux portes, s’immiscent dans les affaires personnelles, les manipulent même, avec entre les deux la figure double du diplomate, représentée par le ridicule valet du roi, espionnant derrière les buissons mais contraint à respecter le libre choix des acteurs surveillés. De cette dialectique du dehors et du dedans naît souvent le comique que Lubitsch sait parfaitement mettre en scène, mais aussi une réflexion sur la liberté dans l’amour, à une époque où le mariage obéit encore parfois à des intérêts rationnels plutôt qu’à d’honnêtes sentiments.
7,5/10