Avec le talent d’écriture qu’on lui connaît, Lubitsch compose une comédie classique, à la fois amusante et intelligente, accompagnée de chansons et de danses aux chorégraphies soignées très bien filmées. Avec un Maurice Chevalier, à l’accent français inratable, dans le rôle du séducteur et Jeannette Mac Donald avec qui il a souvent formé un duo dans des comédies musicales des années 30, La veuve joyeuse est une adaptation gaie et drôle d’une opérette éponyme.

La valse à la chorégraphie finale vaut à elle seule le détour, démontrant le talent de mise en scène de Lubitsch qui par des prises en vue en hauteur filme une foule de danseurs et de danseuses, comme un monde qui tourne malgré lui grâce à l’amour, emporté le long des espaces qui se déploient dans une danse légère, charmante et propice aux plaisirs charnels. Toujours aussi subtil dans les images, qui n’en sont pas moins claires, et dans les dialogues, petits plaisirs à savourer sans faim ni culpabilité, desservant plus profondément une réflexion sur l’amour, la liberté et le mariage, Lubitsch parvient comme toujours à construire avec une simplicité remarquable cette savante combinaison de légèreté et de gravité, de sentiment et de réflexion, d’humour et de politique.

La thématique du caché, du privé, de l’intime est omniprésente et développée sous différents aspects le long du film (le voile, le mur du jardin, les portes des maisons et des pièces privées du restaurant Maxim). Elle vient s’opposer à la chose publique incarnée par le gouvernement d’un pays fictif de l’ouest, allusion claire au communisme, et à ses représentants, qui écoutent aux portes, s’immiscent dans les affaires personnelles, les manipulent même, avec entre les deux la figure double du diplomate, représentée par le ridicule valet du roi, espionnant derrière les buissons mais contraint à respecter le libre choix des acteurs surveillés. De cette dialectique du dehors et du dedans naît souvent le comique que Lubitsch sait parfaitement mettre en scène, mais aussi une réflexion sur la liberté dans l’amour, à une époque où le mariage obéit encore parfois à des intérêts rationnels plutôt qu’à d’honnêtes sentiments.

7,5/10

Marlon_B
7
Écrit par

Créée

le 13 juin 2024

Critique lue 26 fois

1 j'aime

Marlon_B

Écrit par

Critique lue 26 fois

1

D'autres avis sur La Veuve joyeuse

La Veuve joyeuse
YgorParizel
7

Critique de La Veuve joyeuse par Ygor Parizel

Comédie enjouée et toujours fait avec beaucoup de classe par Lubitsch. Les chansons sont un peu fades mais les dialogues (et le scénario en général) sont bien écrits. La mise en scène et le montage...

le 26 juil. 2013

2 j'aime

La Veuve joyeuse
Marlon_B
7

L'intime et la chose publique

Avec le talent d’écriture qu’on lui connaît, Lubitsch compose une comédie classique, à la fois amusante et intelligente, accompagnée de chansons et de danses aux chorégraphies soignées très bien...

le 13 juin 2024

1 j'aime

Du même critique

Call Me by Your Name
Marlon_B
5

Statue grecque bipède

Reconnaissons d'abord le mérite de Luca Guadagnino qui réussit à créer une ambiance - ce qui n'est pas aussi aisé qu'il ne le paraît - faite de nonchalance estivale, de moiteur sensuelle des corps et...

le 17 janv. 2018

30 j'aime

1

Lady Bird
Marlon_B
5

Girly, cheesy mais indie

Comédie romantique de ciné indé, au ton décalé, assez girly, un peu cheesy, pour grands enfants plutôt que pour adultes, bien américaine, séduisante grâce à ses acteurs (Saoirse Ronan est très...

le 18 janv. 2018

26 j'aime

2

Vitalina Varela
Marlon_B
4

Expérimental

Pedro Costa soulève l'éternel débat artistique opposant les précurseurs de la forme pure, esthètes radicaux comme purent l'être à titre d'exemple Mallarmé en poésie, Mondrian en peinture, Schönberg...

le 25 mars 2020

11 j'aime

11