Thriller plutôt mollasson, Black Widow ne vaut que pour le jeu de masques qu’il organise, redistribuant les identités selon l’adage suivant lequel « tout le monde se sert de tout le monde » : le piège mis en place par l’enquêtrice pour piéger ladite veuve noire, tour à tour femme d’affaires intraitable, mannequin aguicheur et anthropologue à lunettes, la contraint elle-même à se déguiser et ainsi à éprouver le vertige de l’autre, d’une identité qui n’est pas tout à fait elle mais qui dialogue avec elle. La conversion d’une figure à l’apparence négligée – ses doigts pleins de ketchup quand elle engloutit ses frites, ses cheveux non coiffés, autant de signes lourdement amenés par le scénario – au statut de femme fatale oscille entre Grease (Randal Kleiser, 1978) et le cinéma de Brian de Palma, tout en anticipant l’évolution psychologique d’une Clarice Starling issue du Silence of the Lambs (Jonathan Demme, 1991) articulée à la beauté froide Catherine Tramell de Basic Instinct (Paul Verhoeven, 1992). Antérieur à ces deux œuvres, le film de Bob Rafelson pose quelques bases mais échoue à les construire de manière satisfaisante, la faute à un rythme en dents de scie et à une esthétique affirmée – lumière tamisée, néons et vitres de couleur… – quoique dépourvue de mystère et de sensualité véritables.