10/11/21
Au Jacques Franck avec Antoine
Par
le 20 nov. 2021
Derrière ce titre de téléfilm érotique (si l'on omet le sous-titre, "et de celles qui la fabriquent", donnant quand même une idée plus précise de ce qu'on vient y trouver) se cache en réalité un documentaire réalisé par la fille de la gérante d'une boutique de vêtements en Belgique. Un film qui a été produit dans des conditions vraisemblablement très modestes, et dont l'étendue des moyens se reflète quelque peu dans l'ampleur du geste. Stéfanne Prijot est partie d'un constat assez simple en réalité, en regardant un sous-vêtement féminin vendu par sa mère et en se posant une question : d'où vient ce petit bout de tissu ?
La forme un peu déséquilibrée de La vie d'une petite culotte peut être rebutant en ce sens qu'elle épouse deux trajectoires qui ne se complètent pas toujours très harmonieusement, d'un côté la chronique familiale avec la mère, la fille, la petite-fille, la boutique, et les images banales que ce cadre peut offrir, et de l'autre côté la chronique sociale à caractère géopolitique en faisant le tour du monde pour remonter à travers les différentes filières textiles.
Mais à mon sens le docu dispose d'un très gros point fort malgré tout, celui de relier le destin de plusieurs femmes à travers le monde, avec des occupations bien distinctes mais toute connectées en dépit des milliers de kilomètres qui les séparent. Le portrait pluriel qui en découle, sur la féminité et sur les conditions de travail en Asie du Sud-Est et au Moyen-Orient, au travers de 5 étapes-clés de la chaîne de production, conserve une grande beauté. Et constitue en ce sens un contrepoint très appréciable au versant fictionnel proposé par Made in Bangladesh de Rubaiyat Hossain sorti la même année.
On rencontre ainsi successivement Yulduz, une agricultrice en Ouzbékistan en charge de la gestion de champs de coton dont la liberté d'expression et d'exercice de son métier semble grandement réduite ; Janaki, en Inde, une jeune fille fileuse contrainte de quitter l'école pour travailler à l'usine (alimentant à ce titre le réseau du sumangali) ; Mythili, une Indienne travaillant dans une usine de teinturerie qui génère beaucoup de problèmes sanitaires (avec une incidence sur la fertilité des ouvrières), et c’est là que les images terribles et hypnotisantes de Machines, de Rahul Jain, ressurgissent ; Risma, une activiste qui se bat pour le droit des femmes en Indonésie ; et Pascale, la mère de la réalisatrice dans sa petite boutique belge qui a cessé de vendre des vêtement fabriqués localement, faute de moyens.
Ce fil narratif reliant les cinq femmes de pays en pays, le long d'une chaîne de production textile mondialisée, est non seulement très réussi dans son pouvoir évocateur, mais aussi dans la matérialisation du travail sous-jacent — et de ses conditions, qu'il est confortable de nier ou d'oublier.
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Créée
le 29 juil. 2023
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