Dans sa dimension comique (voire franchement loufoque) qui évolue au sein d'un contexte historique pourtant assez peu propice au genre, à savoir l'occupation allemande, La Vie de château peut faire penser à des classiques comme Jeux dangereux de Lubitsch sorti plus de 20 ans avant. Le parallèle va d'ailleurs bien au-delà de la seule toile de fond historique puisque tout le film semble gouverné par une ambiance et un ton faisant irrémédiablement penser à la screwball comédie caractéristique de l'âge d'or d'Hollywood (source d'inspiration avouée de Jean-Paul Rappeneau). Screwball à la sauce française : un mélange... étonnant.


Cette drôle de mixture ne se savoure toutefois pas instantanément, en dépit d'un couple haut en couleur formé par Philippe Noiret au sommet de son indolence et Catherine Deneuve aux airs de papillon enfermé dans une cage cherchant à s'évader de la prison de son couple. L'association des ces deux personnages est quelque peu improbable, mais à mesure que l'on progresse dans le récit foutraque de leurs incompatibilités apparentes, avec d'un côté le mari gentiment débonnaire et passif et de l'autre la femme aussi gracieuse que pétillante, leur union tend à se normaliser tandis que le charme des deux comédiens s'impose peu à peu.


Tout le film semble en fait construit sur des personnages ambivalents : les nazis sont relativement accommodants et blagueurs, le commerçant plutôt pleutre et vaguement collabo se découvrira une passion de résistant quand il ressentira l'éloignement de son grand amour (les revirements de Noiret sont vraiment délectables), et la femme insatisfaite de son mariage n'aura de cesse de chercher son oxygène et son bonheur ailleurs (Deneuve très bonne dans ce registre comique pas du tout réaliste). Et dans l'arrière plan, une belle collection de personnages secondaires consistants, à commencer par le couple pittoresque et hilarant des beaux-parents.


Deneuve volette à travers le film en distillant sa vénusté et ses sautes d'humeur avec délice, dans un magma diffus de sentiments incertains, dans une révolte ayant pour but d'échapper à son aliénation. Noiret campe de son côté un personnage dont la simplicité (dans la première partie du film) et la bonhomie rappellent de manière anti-chronologique celui qu'il incarnera dans Alexandre le bienheureux (1967) transporté dans l'univers du Vieux Fusil (1975). La Vie de château constitue une vision champêtre pour le moins singulière des moments qui précédèrent le débarquement allié (quelques passages d'anthologie pour arracher des piquets anti-parachutistes ou pour distraire des soldats allemands), un vaudeville un peu cinglé, burlesque et souvent euphorisant.


http://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Vie-de-chateau-de-Jean-Paul-Rappeneau-1966

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le 23 janv. 2018

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Morrinson

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