Oui-Oui fait de la politique
Quand une œuvre de fiction vous présente un de ses personnages comme un "esprit original" et un "génie", vous avez deux possibilités.
Soit vous vous trouvez en face d'un personnage porteur d'un discours réellement intéressant. Ce qui n'arrive à peu près jamais.
Soit vous avez Kevin Spacey en prof de philo du dimanche qui aligne les poncifs comme des perles sur un chapelet et les maximes à base de "moi j'ai fait l'école de la vie" et un réalisateur qui vous demande d'en pleurer de reconnaissance. Ce qui arrive à peu près tout le temps.
Plus que ses gimmicks de réalisation datés (ces transitions hachées entre les scènes présageant des plus belles vues new-yorkaises des Experts, mon dieu) et, d'ailleurs, sa réalisation toute entière, profondément générique, surtout venant du mec qui a pondu "Angel Heart", ce qui pousse à détester ce film, c'est d'abord et avant tout son abyssale connerie.
Le scénariste essaie donc, par le biais d'un personnage central idéalisé, de nous expliquer que la peine de mort, c'est mal, et en quoi. Pour le "c'est mal", on peut tous comprendre, le "en quoi" semble un peu plus difficile :
le film a en effet un mal fou à décrire convenablement les implications éthiques d'un tel traitement judiciaire (ce en quoi les individus ne sont pas réductibles à un acte commis, par exemple ; la remise en cause de la notion de "monstre" ; la contradiction interne d'un système qui commet un meurtre pour en punir un autre, etc.) et préfère donc se concentrer sur l'argument facile, à savoir "la peine de mort, c'est pas bien parce que, ma bonne dame, les erreurs judiciaires".
On assiste donc au sacrifice d'une paire de militants passionnés, déterminés à prouver que... Que quoi, au juste ?
Que la société doit être moralement exemplaire ?
Que les humains sont des êtres complexes, non réductibles à des entités totales telles que "victime" ou "coupable" ?
Que la Justice n'est pas la vengeance ?
Non. Que les erreurs judiciaires, ça arrive, surtout quand c'est fait exprès.
Ben merci les gars, ça valait la peine de tous crever pour ça, dites-donc.
Seul le personnage de Laura Linney surnage un peu par la force compassionnelle qu'elle parvient à lui insuffler et qui est, au fond, le seul élément véritablement efficace du film dans sa plaidoirie humaniste.
Sinon, on passe deux heures à voir des crétins mindfucker Kate Winslet pour ne rien prouver du tout et à admirer Kevin Spacey bourré parler de Socrate, parce qu'apparemment c'est la marque des intellectuels.
Personnellement, j'ai mieux à faire de mon dimanche que lire "Oui-Oui fait de la politique" mais, après tout, c'est vous qui voyez.