Quand fleurit l'orange...

Hasard de calendrier, « La vie en belge » sort 30 ans après « Golden Eighties » de Chantal Akerman, sans qu’il y ait un lien quelconque entre les deux films au niveau de la démarche que de la manière d’appréhender un récit. Excepté peut-être la belgian touch, ils ont pourtant un point commun, l’indéniable plaisir que j’ai ressenti à les suivre, tous deux affichant fraicheur, légèreté pour ne pas dire une délicate naïveté. C’est justement cette (fausse) simplicité qui est plaisante pigmentée de chansons, elle vous transporte l’espace d’un moment loin d’une réalité terne, ou dramatique.

« La vie est belge », dont le titre original est « Brabançonne » est une espèce de bluette musicale empreinte d’une douce utopie, celle de voir un jour les flamands et les wallons retrouver le sens du vivre ensemble pour le plus grand bien la Belgique. Bien évidemment, le film n’a pas une vocation militante, et ne viendra pas régler les tensions profondes que subit le pays. Mais le portrait dressé, s’il n’a rien de satirique (dans le sens où il en vient à poser la critique avec ironie), se veut gentiment moqueur. La dérision venant achever le dérisoire. Les deux communautés l’une cigale, l’autre fourmi, s’égratignent (mots vachards), s’évitent (frontière de la langue) et rivalisent d’astuce pour enfoncer l’autre, ou pour le moins lui prêter les plus coupables intentions. Mais à chacun de se retrouver derrière les grands standards de la chanson du pays habilement détournés. Cela confère au film un côté pétillant, sur lequel tous les acteurs sont au diapason, de ce côté l’accord est parfait.

Le côté chatoyant de ce spectacle est une grande qualité tout autant qu’un défaut majeur au moins pour certains je l’imagine. Car à force d’y aller crescendo sans moderato, je peux comprendre un agacement justifié. Peut-être est-ce aussi pour cela que le film a quand même mis presque deux ans à sortir en France. C’est d’ailleurs le travers de ce genre au cinéma, la musicale comédie. «Golden eighties » que je citais plus haut par exemple comparé pour beaucoup à l’époque à un roudoudou plutôt écœurant, je pense aussi à « On connait la chanson » de Resnais jugé désuet, ou plus récemment à « Moi, toi les autres » d’Audrey Estrougo vilipendé pour sa mièvrerie. Seul Christophe Honoré s’en est plutôt bien sorti, avec « Les chansons d’amour » ou encore « Les biens-aimés », cela tient sans doute au ressort dramatique qu’ils contenaient.

Mais il est bon parfois de prendre de la distance, et de ne se tenir qu’un la genèse d’un projet de film, qui n’a, comme ici, que la seule prétention d’apporter plaisir et gaité. Et quand, in fine, le tout est bien orchestré, interprété et livré avec générosité pourquoi ne pas se laisser bercer… et quand bien même d’illusions !