Détour aux sources
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le 13 janv. 2021
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Kirk Douglas a rejoint le firmament des étoiles d'Hollywood ce 5 février 2020, à l'âge de 103 ans. Faisant partie des dernières légendes de l'âge d'or hollywoodien, il a illuminé de sa présence des films aux styles très divers : films d'aventures, westerns, films policiers, films de guerre ou films d'anticipation.
Il entre avec passion dans ses rôles qu'il interprète souvent avec frénésie : on se souvient de son Ulysse bondissant et déchaîné, de son Einar incontrôlable et démoniaque dans Les Vikings, de son Rick Martin jouant avec frénésie de la trompette dans La femme aux chimères et de son Van Gogh halluciné, plus vrai que nature.
Artiste engagé et rebelle, il s'émancipe des studios pour avoir sa liberté de tourner, fait un pied de nez à l'Académie des Oscars qui lui a refusé trois fois la récompense du meilleur acteur, chantant avec son ami Burt Lancaster "It’s great not to be nominated" lors de la cérémonie de 1958.
Il joue les esclaves révoltés dans Spartacus, engageant le blacklisté Dalton Trumbo comme scénariste.
Mais Kirk, c'est surtout la fossette au menton, le sourire carnassier, le bagout. En producteur manipulateur des Ensorcelés ou en entrepreneur avide dans La vallée des géants, il incarne aussi des personnages prêts à tout pour réussir, usant de leur charme ravageur auprès des femmes, étourdissant leur entourage par leur don pour la parole et n'hésitant pas parfois à mentir. Impossible cependant d'éprouver de l'antipathie pour ces personnages, tant le charme agit aussi sur le spectateur.
Il sera de même un étourdissant Ulysse entraînant ses compagnons dans de fabuleuses aventures mythologiques, défiant les dieux, aveuglant le Cyclope et finissant par décimer les avides prétendants de la belle Pénélope.
Passée cette éblouissante époque du cinéma des années 50-60 et la maturité venue, Kirk va tourner des films très différents, moins étincelants, se lançant notamment dans des films de science fiction plus ou moins réussis comme Fury ou Holocauste 2000 et tournant jusqu'en 2008.
Il consacrera les dernières années de sa vie active à l'écriture de plusieurs romans autobiographiques, dont le dernier, paru en 2012 raconte le tournage de Spartacus (I am Spartacus).
Intéressons-nous à présent à l'un des rôles les plus prodigieux de Kirk, qu'il tient dans La vie passionnée de Vincent Van Gogh.
Fasciné par le peintre en qui il se reconnaît à la fois physiquement et dans sa passion pour son art, Kirk acquiert les droits sur la biographie écrite par Irvin Stone; Vincente Minnelli en sera le réalisateur.
Le personnage de Vincent va habiter Kirk et le hanter. S'étant trop identifié à son personnage, il craindra parfois d'avoir l'oreille coupée et emportera un peu de la folie du peintre hors des plateaux. Comme il le déclarera par la suite, "Je sais que je ne suis pas Ulysse, mais Van Gogh, je n'en suis pas certain."
Le Vincent de Kirk est dévoré par son art, il peint avec frénésie jour et nuit, parfois du sublime, parfois du plus maladroit mais dans des couleurs lumineuses où le bleu et le jaune dominent. Il fonctionne par coup de coeur ou coup de tête à chaque nouvelle découverte : le monde ouvrier, les paysages lumineux de la Provence, les couleurs des fleurs....ses yeux ne voient qu'à travers la peinture.
Personnage incontrôlable, il lasse bien vite le paisible et ordonné Gauguin - incarné par un solide Anthony Quinn - et se raccroche désespérément à son fidèle frère Théo qui lui assurera son existence. Van Gogh ne vendra dans toute sa vie qu'un seul tableau et ne gagnera jamais d'autre argent de son art.
Le personnage surprend aussi par son réalisme à une époque où le cinéma hollywoodien présente des héros propres sur eux dans les pires situations. Nous sommes, rappelons-le, dans une biographie et Kirk-Vincent ne craint pas de se montrer hirsute, sale, vivant comme dans une porcherie -remarque faite par son frère Théo venu le voir -, lorsqu'il décide de vivre comme les mineurs, et souvent pleurnichard.
Pourtant la flamboyance minnellienne apparaît dans la réalisation.
Le film est conçu lui-même comme une succession de tableaux, où l'on retrouve l'oeil d'artiste et le goût du beau de Vincente Minnelli.
Bien que tournées en partie dans les lieux mêmes où Van Gogh a vécu - Le Grand Hornu en Belgique, Arles, Auvers-sur-Oise...-, plusieurs scènes sont réalisées devant des décors peints, ce qui accentue le côté tableau vivant du film mais enlève aussi une part d'authenticité aux lieux de tournage. On peut parfois le regretter.
La ressemblance physique de Kirk avec Vincent est hallucinante et on ressent aussi son exaltation face aux beautés de la nature qu'il va peindre. Parcourant les routes de la campagne arlésienne ou ouvrant sa fenêtre de l'asile de Saint-Rémy-de-Provence, il découvre les merveilles du paysage provençal (arbres de Judée, mûriers, abricotiers...) et le bleu intense du ciel.
Puis vient le moment où génie créatif et folie se mélangent, où le peintre est vaincu par ses démons. L'artiste s'efface alors devant l'homme qui court vers sa destruction.
Un film aux accents souvent lyriques où Kirk Douglas s'est jeté corps et âme, au point de presque en perdre la tête.
Rassurons-nous, de nombreuses années lui restaient encore à vivre et beaucoup de films à tourner.
Il rejoint à présent les nombreuses étoiles du vieil Hollywood qui continuent encore de briller, grâce à la magie du cinéma.
Bonne route, Mr Douglas !
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Créée
le 9 févr. 2020
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