Depuis peu Baya Kasmi et Michel Leclerc, coréalisateurs et scénaristes du Nom des Gens et de Télé Gaucho, font du cinéma séparément ou presque puisqu'ils interviennent sur leurs scénarios respectifs. Baya Kasmi ayant fait tourner Agnès Jaoui dans un premier temps, ce n'est pas un hasard de retrouver Jean-Pierre Bacri chez Michel Leclerc. Vous me suivez? On ne s'étonne pas non plus d'une certaine connivence entre ces deux dernières pointures dont la façon de faire des films avec leurs moitiés fut trés proche. Pour ma part, c'est vraiment une bonne augure de les voir travailler ensemble quand on voit le résultat sur La vie trés privée de Monsieur Sim.
L'autre voisinage que je perçois est celle avec la consonance du titre la vie rêvée de Walter Mitty. A contrario, Monsieur Sim même s'il effectue un road movie en France et en Italie à bord de son 3008, est l'antithèse du personnage rêveur et positif campé par Ben Stiller. En effet, cet homme solitaire est à première vue désabusé vu son divorce récent et ses galères diverses dans le monde du travail. Bougon, contrarié (une panoplie naturelle et facile pour Bacri qui a campé tant de râleurs et d'hommes à priori sans qualités),Monsieur Sim a une façon particulière de profiter des petites choses infimes de l'existence pour ne pas sombrer. La vraie qualité de l'histoire de la vie trés privée de Monsieur Sim tient dans tout ce vernis qui s'écaille et qui fait évoluer son personnage principal.
Avec un matériau de base sûrement trés consistant, Michel Leclerc fait de Monsieur Sim un galérien (et cette mise en abyme sublime avec l'itinéraire d'un navigateur,loser magnifique)qui triomphe de la médiocrité ambiante en trouvant une respiration personnelle avec lui même et les autres (l'oncle de Poppy, sa fille et plus tardivement son père). Jean Pierre Bacri fait aussi du proverbe l'important ce n'est pas la destination mais le chemin avec ce Monsieur Sim qui sublime un quotidien morose et s'ancre aussi sur une quête familiale qui va lui révéler la raison de ce désarroi qui dure et le ronge. Ces ingrédients réunis font que l'adaptation d'un livre anglais devient une pépite tricolore. Michel Leclerc opère aussi un cinéma moins délirant que d'habitude mais ce style oscillant entre une pure comédie et de petits spleens propres à la vie touche véritablement le spectateur.
Au bout du compte et pour notre plus grande joie, le tandem Leclerc-Kasmi a renouvelé son cinéma pour une proposition moins personnelle mais tout aussi évocatrice. Ce fut un plaisir de revoir Jean-Pierre Bacri dans un premier rôle qu'il a eu aussi envie de défendre et de porter. Vimala Pons,Mathieu Amalric, Valéria Golino et Vincent Lacoste ont aussi de superbes seconds rôles qui apportent beaucoup dans cette histoire sans oublier la bande originale d'un certain Vincent Delerm qui colle parfaitement au cadre de Michel Leclerc. La bonne surprise de cette fin d'année à laquelle j'espère des entrées et du bouche à oreille.