Namir Abdel Messeeh est un petit malin : son docu-fiction ne cesse de devancer les reproches qu’on s’apprête à lui faire. Bordélique, brouillon, partant dans toutes les directions, son projet a de quoi déconcerter.
Décidé à enquêter sur les apparitions de la Vierge au sein de la communauté copte en Egypte, le réalisateur initie un documentaire qui va le lancer sur les traces de ses origines, sous les commentaires acerbes de sa mère qui ne croit pas en son projet ni, d’ailleurs, ne le comprend vraiment.
Mélange étrange de ces images filmées et de leur laborieux tournage, de son rapport tumultueux à son producteur, making off, work in progress, son film s’embourbe tout en s’enrichissant de sa propre exégèse.
Alors qu’on a plutôt tendance à prendre le parti de ceux qui condamnent son projet, et qu’on peut s’irriter de la façon dont le réalisateur assume son amateurisme, la direction finale prise par son projet enfonce, semble-t-il, le clou du n’importe quoi. Face à l’échec d’un film documentaire sur les apparitions de la Vierge, il prend le parti d’en reconstituer une fictionnelle avec toute la communauté de sa ville natale. Le film devient alors l’aventure de ce tournage, le casting et le regard sceptique ou amusé de ses cousins sur son projet farfelu, souvent très drôle.
Progressivement, à l’image de ces sourires qui naissent sur les visages et ces amateurs qui se laissent prendre au jeu, le spectateur se laisse prendre à mesure que le réalisateur s’efface au profit de ceux qu’il filme.
Car dans ce jeu de dupe (on comprend bien qu’une part du documentaire est elle-même jouée, que certaines parties sont reconstituées) où tout semble improvisé, Messeeh dévoile discrètement ses cartes et fusionne le disparate en une réfléxion tendre et puissante sur les pouvoirs du cinéma. Art de l’illusion, écriture fictive pour retourner aux vrai des origines, travail sur la foi, son métier lui permet un regard lucide et enthousiaste sur ces points névralgiques du 7ème art.
La projection finale, qui permet de voir le film tourné et son impact sur ses spectateurs/acteurs, est un moment d’autant plus fort qu’elle est le miroir des réactions dans la salle (pour avoir vu ce film en salle avec des élèves, l’effet n’en a été que renforcé), et renvoie à ces déclarations d’amour pour cette nouvelle sacralité qui réunit les foules, qu’on trouvait déjà dans Cinéma Paradiso de Tornatore.
Un film atypique, d’une grande intelligence, associée à une pudeur qui donne à son propos une authenticité rare.