Un geste artistique d'une jolie liberté, au titre évoquant la pathétique générosité du grand Jacques...
Sur un format court laissant une bonne marge de manœuvre aux aléas du réel les deux réalisateurs de ce petit film délibérément foutraque s'en tirent avec les honneurs, arborant une esthétique mêlée de crasse, de fêlures et de surexpositions en tous genres.
Au coeur de la nuit de la cité armoricaine deux gugusses transis d'amour et de solitude : un barbu dégingandé et soiffard comme pas deux convoitant un blondinet prostitué tendance androgyne. Imparfait, gentiment branleur et modérément subversif ce court métrage retranscrit tout un imaginaire culturel régurgitant la poésie grotesque d'un Bukowski, le charme hirsute des croquis mal taillés d'un Reiser ou d'un Wolinski et la provocation d'un Joël Séria.
La ville s'endormait et les deux sbires de la décrépitude en oublient leur latin : un jet d'urine en signe de liberté d'expression, des punks bretons menant un bœuf au détour d'un mariage transgenre revisité ( l'hommage à Coluche et Thierry Le Luron semble pour le moins en grande partie assumé par nos deux cinéastes en herbe ) du vomi, des rillettes façon beurre de karité ou encore des brocs emplis de larmes amères... Tout fout le camp dans ce conte pour enfants pas sages, fable lubrique pleine d'affection pour ses personnages qui sublime un Saint-Brieuc quasi-fantasmé.
Premier coup d'essai réussi pour Thibault le Goff et Owen Morandeau donc, modestes franc-tireurs d'un cinéma marginal et sympathique pétri de belles idées de mise en scène ( jeux d'ombres contrastés, surimpressions pleines d'étrangeté, musique en mode mineur rappelant les ritournelles d'un Yann Tiersen...). Un film breton et fier de l'être.