Venue passer les vacances sur l’île de Nouvelle-Angleterre où vit son cousin Freddie, une artiste peintre, Kate Bosworth, fait la connaissance de Bill Emerson, un jeune ingénieur qui travaille dans un phare à proximité. Kate s’éprend de Bill et réciproquement. Mais l’arrivée sur l’île de Patricia, la soeur jumelle de Kate, bouleverse la situation. Aussi séductrice et sournoise que Kate est réservée et candide, Pat met le grappin sur Bill qui l’épouse. Résignée, Kate s’efface et retourne à son art. Lors de sa première exposition, elle fait la connaissance de Karnock, un jeune artiste arrogant et cynique qui la remet tellement en question qu’elle décide d’arrêter la peinture et retourne chez son cousin. A sa grande surprise, elle y retrouve Patricia, qu’elle pensait être partie au Chili avec son mari...
Comme l'écrivait un critique du New-York Times, durant tout sa longue carrière Bette Davis a interprété deux types de femmes, «les héroïnes positives qui s’effacent et se sacrifient et les garces malveillantes et cupides. Eh bien, vous avez l’embarras du choix puisque grâce aux effets spéciaux vous pouvez profiter des deux possibilités». Taillé sur mesure pour cette formidable actrice qui a elle-même produit le film, ce double rôle lui permet de démontrer toute la richesse d’un jeu nuancé (ce ne sera plus toujours le cas dans ses films suivants) qui lui permet de faire oublier oublier qu’à 37 ans passés, elle n’a plus tout à fait l’âge pour jouer les vierges effarouchées ou les séductrices ravageuses. Sans jamais forcer le trait, elle parvient d’un regard ou d’une inflexion de la voix à marquer la différence entre les deux jumelles. Le talent de Davis allié aux effets spéciaux et à un montage qui utilise à bon escient le champ-contrechamp et une doublure habilement placée créent l’illusion chez le spectateur qui oublie qu’il a affaire à la même actrice. Le scénario, plutôt riche en surprises pour un mélodrame de ce type, est adroitement développé et les principaux protagonistes bien dessinés. On peut toutefois regretter que le personnage du jeune peintre torturé excellemment interprété par Dane Clark soit évacué de l’histoire au profit d’un happy-ending un brin forcé. Mais nous sommes en 1946 et le public féminin auquel ce type de production est destiné n’en attendait certainement pas moins.