Radiologue à Calanda, une petite ville de la province espagnole de Teruel, Julian n’a guère de contact social en dehors de son assistante Ana, une infirmière taciturne et timorée, à laquelle il reproche ne pas savoir s’habiller et se mettre en valeur. Un jour, Julian revoit son meilleur ami d’enfance, Pablo, qui lui présente sa nouvelle épouse, Elena, une blonde ravissante et décontractée qui lui rappelle une jeune femme rencontrée à l’occasion de la fameuse fête religieuse de Calanda où une procession de milliers de tambours célèbre le vendredi Saint. Tout en entamant une relation avec Ana qu’il modèle selon ses fantasmes pour la faire ressembler à Elena, Julian invite celle-ci et son mari dans la vieille maison de campagne où il passe ses week-ends...
Calanda est le village natal de Luis Buñuel qui consacre un chapitre de son autobiographie à la coutume unique de cette bourgade d’Aragon où l’on bat du tambour pendant 24 heures sans interruption à l’occasion du Vendredi saint. Une coutume qui n’a qu’un lointain rapport avec ce surprenant Peppermint frappé que Carlos Saura dédie à Don Luis, lequel tournait à la même époque Belle de jour en France. Trop brouillon et marqué d’influences éclectiques (Buñuel, abondamment cité, mais aussi Antonioni ou Chabrol, sans parler du Vertigo d’Hitchcock), Peppermint frappé dépasse pourtant le simple réquisitoire contre la bourgeoisie, un genre très en vogue à l’écran dans ces années pré-68, pour porter un regard critique sur la montée en puissance de la femme-objet iconographiée sur le papier glacé des magazines que le piteux anti-héros fétichiste découpe et colle dans ses cahiers. Entre la blonde sophistiquée et moderne et la brune complexée et soumise (toutes deux excellemment interprétées par Géraldine Chaplin), il n’y a finalement que peu de différence, toutes deux subissent le joug et l’aliénation (autre concept très à la mode à cette époque) de la même société patriarcale et machiste pour qui les femmes ne peuvent être que putes ou soumises.
La liberté affichée de la blonde lui vaudra la mort tandis que la brune sera condamnée à se travestir pour correspondre aux fantasmes de son maître.
C’est l’une des lectures que l’on peut faire de ce film parfois maladroit et confus (par ailleurs desservi en DVD par un horripilant recadrage au format 16/9) mais très intéressant par les pistes contradictoires qu’ils trace en agrégeant une esthétique pop (les disques rock et les tenues très Carnaby Street d’Elena) avec la sobriété distante et ironique du cinéma de Buñuel.