Critique à retrouver sur CinéSéries 1


Après son premier film Diane a les épaules, le cinéaste Fabien Gorgeart s’approprie, à nouveau, la thématique de la filiation avec "La Vraie famille", un long-métrage poignant et formidablement interprété.


Déchirement filial


La Vraie famille constitue presque un retour aux sources pour Fabien Gorgeart. Film autobiographique mais pas que, ce second long-métrage s’inspire de son histoire personnelle puisque la famille du cinéaste a accueilli un enfant qui est resté chez eux de 18 mois à 6 ans. C’est un peu l’histoire de Simon, l’enfant au cœur du récit, mais surtout celle d’Anna, mère de famille, assistante familiale et repère sentimental du jeune garçon. Ce second film, miroir du premier (Diane a les épaules), est l’histoire d’un déchirement et d’une acceptation. Fabien Gorgeart nous explique alors : « Ma mère, elle, n’avait peut-être pas mesuré l’implication émotionnelle de cette fonction particulière. Le seul conseil qu’elle a reçu des assistantes familiales était : « Aimez cet enfant, mais ne l’aimez pas trop ».


C’est tout le paradoxe souligné par ce mélodrame très réussi. Réussi, notamment par la qualité de sa structure narrative. En distillant petit à petit les éléments du récit, le cinéaste permet au spectateur de mieux identifier les personnages, les enjeux émotionnels et de fait, d’en accentuer l’attachement. C’est un film sur le débordement d’amour, plus que sur le manque. C’est à la fois ce qui le rend singulier et captivant. Il évite ainsi beaucoup d'écueils liés au pathos, tout en n'ayant pas peur d'aborder l'émotion de manière frontale mais subtile.


Narrativement, on peut y voir du Asghar Farhadi, notamment dans la mécanique implacable qui est déroulée mais surtout dans le rapport qu'entretient le film vis-à-vis de ses personnages. Chacun y trouve sa juste place, ses dilemmes, et le regard posé par la caméra est un regard sans jugement. Tout le monde aime et chacun a ses raisons d’agir. C’est ce qui rend ce mélodrame à la fois complexe et humainement très fin. Même si les références du cinéaste s’assument plus de côté de E.T., Kramer contre Kramer et The Kid, le film conserve à la fois cette magie dans l’émotion, qu’on peut retrouver chez Spielberg ou Chaplin, mais aussi cette délicatesse dans l’écriture des personnages.


Malick Vibes


Autre réussite de La Vraie famille, c’est dans la gestion de sa mise en scène. Très évolutive, au fur et à mesure que le récit progresse et que les enjeux dramatiques s’intensifient. On retrouve presque du Terrence Malick dans The Tree of Life, dans sa manière de montrer des moments de vies et de communions, très présents au début du film. Avec son grand angle, il capte l’harmonie euphorisante de vacances en famille, ou de jeux à la maison. La vie défile de manière très chorégraphiée pour saisir le flot de vie qui jaillit de toute part.


Puis, lorsque la tension et le romanesque montent, sorte de "partie thriller" du film, la mise en scène se recentre sur le point de vue du personnage principal, Anna. Le cadre se resserre, le découpage est plus marqué. La mise en scène se transforme. Une évolution palpable et qui se traduit par une émotion de plus en plus déchirante, jusqu’à un dénouement bouleversant d’intensité. Intensité traduite par l’interprétation dévouée de Mélanie Thierry, qui magnifie ce rôle de mère tiraillée. Assurément un de ses plus beaux rôles.


Grâce à son scénario bien équilibré, Fabien Gorgeart offre à chaque acteur, une place prépondérante dans le récit où l’équilibre est finement trouvé. Du captivant Gabriel Pavie (Simon) à Lyes Salem en passant par Félix Moati, qui élargit sa palette de jeu avec un rôle plus sérieux, plus froid, loin de son registre léger qu’on lui connaît. Grâce à sa finesse narrative, questionnant et explorant les thématiques de l’attachement et de la filiation et du sens de la famille, Fabien Gorgeart signe une œuvre remarquable, intense à l’émotion vive et dont on ne ressort pas indemne.

JoRod
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le 15 févr. 2022

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