Je m'amuse dans mon titre à mettre en parallèle les films de Jonathan Glazer et de Justine Triet, uniquement pour la concomitance de ces deux phénomènes au dernier festival de Cannes : le premier sur ce qu’il réussit brillamment à proposer comme pur matériau cinématographique, quand le second, très surestimé et filmé sans grande originalité, n’évite pas les caricatures, trop soucieux peut-être de cocher toutes les cases d’une certaine phénoménologie culturelle…
Il y a une véritable puissance à laquelle Glazer parvient, à tendre son discours vers un universalisme du ressenti, à travailler notre mémoire commune en montrant par un procédé d’inversion (procédé qu’on trouvera formellement à l’image dans certaines séquences) ce qu’on ne nous a jamais montré, et en nous faisant écouter ce que nous n’avons jamais réellement entendu, mais qui nous parait être la parfaite illustration sonore de ce qu’il y a eu, de ce qu’il fallait voir, ou du possiblement imaginable.
L’imagerie se fait son, et le son fait l’image.
Procédé d’inversion, encore une fois, quand le commandant Rudolf à la fin du film regarde hors-champ le spectateur, celui du futur, qui se souvient, et qui voit autrement le mal tel qu’on peut l’imaginer aujourd’hui en visitant ces musées (très propres) de l’horreur. Résonances hors du temps, mais synchronisme de deux réalités perçues, par le son et l’image, par le montage, et donc par le cinéma.
Toute la force du film repose aussi sur ce que peut en faire le spectateur, par la connaissance que nous avons de cette époque. Le plus important des hors-champs, c’est celui qui se projette dans l’inconscient collectif et qui porte en lui cette page de l’Histoire qui aura façonné et bouleversé l’époque contemporaine. Sans cela le film ne fonctionne pas, il a besoin de nous, et il nous rappelle que c’est encore à nous de faire en sorte que cette Histoire ne se reproduise plus, et qu’elle ne reste ici qu’une grande leçon de cinéma.