La véracité obscène des reconstitutions d'exactions nazies a saturé l'espace cinématographique jusqu'à un mur noir d'un "trop montré" rendant inopérante la représentation de ce pan de l'histoire européenne et occultant le point aveugle de la vie des auteurs de ce génocide.
Rien de cela dans le dernier film de jonathan Glazer ; ici le hors-champs canalise une multitude de signes diffus, agissant comme un poison lent jusqu'à ce que tout soit irradié par le pire et à jamais dans un printemps sans fin, baigné d'une lumière aveuglante.
La maison du bourreau en chef abrite une vie ordinaire et vide, rythmée par le bruit ouaté de la mort à l'oeuvre derrière des murs fleuris ; malgré cette promiscuité avec l'horreur, l'énergie du bourreau et de son épouse se concentre de ce côté du mur sur l'illusion féroce d'une vie familiale à préserver d'un hors-champs mortifère ; un hermétisme poussé dans ses retranchements par des pressions extérieures lancinantes exercées sur une immunité illusoire.
Insultes, cris d'agonie et rafales de balles se fondent dans un vaste fonds sonore nimbant le jardin et la maison du Obersturmbannführer Höss d'un halo immobile dans lequel un présent interminable se révèle aux sens du spectateur comme l'intolérable même.
Seules quelques trouées olfactives suggérées et quelques plans furtifs sur les restes des fours crématoires sous formes de dépôts grisâtres sédimentent un quotidien voué à disparaitre dans le chaos.