A priori, les astres étaient alignés. Jonathan Glazer, le formaliste ultra doué de Under the Skin semblait le parfait écrin pour quelque chose d’aussi indicible que la Shoah. Le parfait adaptateur également du très drôle, et très pénétrant, livre de Martin Amis.
Mais voilà, Glazer n’adapte pas La Zone d’Intérêt, mais plutôt La Mort est Mon Métier de Robert Merle. Le romancier français y biographiait/psychanalysait Rudolf Höss, le commandant d’Auschwitz.
Martin Amis, lui, sait – règle numéro un du Biopic réussi – qu’il faut s’écarter du sujet pour mieux le cerner. Il transformait Höss en Paul Doll, un commandant falot auquel il adjoignait deux co-narrateurs : Angelus Thomsen, officier nazi dragueur qui s’approchait de la femme de Höss, et Szmul Zacharias, un Sonderkommando juif, pris tragiquement au cœur de ce trio d’opérette. Avec un humour ravageur, sans jamais tomber dans le mauvais goût (autant dire une performance sur ce sujet), Amis montrait la racaille nazie dans toute son incommensurable bêtise, et dans toute sa veulerie.
Ici, Glazer se contente de filmer sérieusement la famille Höss (Monsieur, Madame, la belle-mère et les enfants) comme une sorte d’installation d’art contemporain qui pourrait s’appeler Nazis Love Their Children Too.
Vouloir montrer la banalité du mal (les enfants jouant dans la piscine tandis que les crématoires tournent à plein régime), ou l’avidité revancharde (se « venger des juifs » dont ils étaient la boniche, comme le dit la belle-mère, en volant leur manteau de fourrure, leurs bijoux et leur rouge à lèvres…), ne suffit pas à faire film.
On est plutôt devant des tableaux (des enfants qui jouent, une mère qui jardine, un père qui administre…) tableaux d’une exposition qui aurait pour fond sonore l’extermination. Si l’exhibition du mal est bien parfaite, si le propos est glaçant, elle n’apporte pas grand-chose à son sujet. Une heure et quarante-cinq minutes plus tard, nous sommes toujours dans la zone d’inintérêt…
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