Le choc est d’une violence inouïe tant le cinéaste londonien parvient à viser juste. Et on ressort de la salle avec le cœur terriblement lourd, le sang glacé.
Ce qui rend La Zone d’intérêt aussi époustouflant, c’est de parvenir à nous surprendre, à nous secouer complètement, alors que l’on nous fait replonger dans ce qui est l’une des pires pages de l’histoire de l’Humanité, que l’on a appris à étudier depuis les classes d’école et jusque que dans les innombrables œuvres, littéraires, documentaires ou (déjà) cinématographiques.
Le coup de maître majestueux de Jonathan Glazer réside ainsi dans sa démonstration, aussi grave et juste, de l’abominable déni dans lequel la famille Höss vivait. Puisque tout se passe sous leurs (nos) yeux. Ce déni est poussé à son paroxysme, tout au long du film, voulant ainsi nous faire entrer dans le quotidien « normal », mais vraiment surréaliste, de la femme de la maison (magistrale Sandra Hüller) surtout, et de son mari, le commandant d’Auschwitz Rudolf Höss, admirablement interprété, avec froideur, par Christian Friedel.
Et le plus fou est ici : le réalisateur britannique parvient à nous plonger, presque naturellement, dans ce quotidien nauséabond au possible. Avec une écriture, une réalisation, une photographie et une bande sonore qui ne cessent de nous ramener à la réalité de l’horreur, au cas où on se laissait attraper et happer par le quotidien de cette mère qui éduque, comme si de rien n’était, ses cinq enfants à deux pas de la Solution Finale.
C’est d’une puissance malaisante rarement atteinte au cinéma, sur un sujet qui nous a tant bouleversé depuis près de 80 ans et pourtant, à l’arrivée, tout fonctionne. Ce qui en fait presque un documentaire rend ce film hors du commun, d’une intensité angoissante, qui nous ouvre les yeux sur une autre facette de cette affreuse histoire que l’on croit trop souvent connaître.
Heureusement, ce chef d’œuvre nous rappelle une fois de plus que ce n’est pas le cas. Et une chose est sûre, on n’oubliera pas. On se souviendra. On doit s’en souvenir.