Voir le film

Nuit et Brouillard derrière la Mélodie du Bonheur

Raconter l'indicible sans le montrer, c'est le défi relevé par le réalisateur. Et il réussit!

Derrière les murs du camp d'Auschwitz, la famille du commandant du camp Rudolf Höss, époux modèle et papa câlin, se construit une petite vie bien tranquille, avec piscine et jardin paysager.

Rien ne filtre sur l'horreur qui se produit de l'autre côté du mur.

Mais quelques détails viennent lézarder cette Mélodie du Bonheur. Un mirador à l'arrière-plan. Des cris et des aboiements de chiens. Des cendres qui viennent tâcher les linges qui sèchent lorsque le vent tourne. La femme du commandant qui essaye un manteau en fourrure qu'elle n'a visiblement pas acheté, sans oublier d'en sonder la doublure. Les ménagères teutonnes qui racontent leurs découvertes de bijoux dans les tubes de dentifrice. Un commentaire abject de la maîtresse de maison à sa bonne, dont elle tient la vie dans ses mains. La visite de la mère, ancienne femme de ménage d'une femme juive, qui comprend que le national-socialisme ne s'est pas contenté de "prélever" les biens des Juifs et s'enfuit sans demander son reste.

La comédie du couple parfait explose lorsque le gentil papa fait venir une déportée dans son bureau, et quand sa femme, avide de revanche sociale et trop contente d'avoir construit son petit paradis vert à l'Est, refuse de le suivre lorsqu'il est muté vers d'autres cieux. Ce n'est pas dit dans le film, mais Höss sera dénoncé par son épouse après la guerre, avant d'être pendu.

Par touches pointillistes (la visite d'ingénieurs venus expliquer les possibilités d'améliorer le "rendement" - sans parler du "produit", la réunion des directeurs de camps qui ressemble à un classique conseil d'administration), Jonathan Glazer instille un malaise croissant chez le spectateur, sans une scène de violence.

Et on comprend à quel point le mythe aryen du "Qu'elle était verte ma vallée" était bâti sur l'effacement d'êtres humains.

Yves_946778
7
Écrit par

Créée

il y a 3 jours

Modifiée

il y a 3 jours

Yves_946778

Écrit par

D'autres avis sur La Zone d’intérêt

La Zone d’intérêt
PatMustard
3

Cannes-ibal Holocauste

La Zone d’intérêt débute par un écran noir de 5 minutes accompagné d'une musique assourdissante qui donne le dispositif du film : on ne verra rien mais on entendra tout. Le camp d'extermination...

le 19 janv. 2024

212 j'aime

9

La Zone d’intérêt
lhomme-grenouille
6

Limites de l’intérêt

Reconnaissons à Jonathan Glazer cela ; ce mérite d'avoir su trouver un angle nouveau pour aborder un sujet maintes fois traité.Parce qu’à sortir en permanence du champ ce qui est pourtant – et...

le 2 févr. 2024

84 j'aime

12

La Zone d’intérêt
Plume231
7

Derrière le mur !

L'introduction, avec un écran noir qui dure, qui dure, accompagné d'une musique stridente, annonce bien la couleur, La Zone d'intérêt est une expérience aussi bien sonore que visuelle. Ben oui, parce...

le 31 janv. 2024

70 j'aime

10

Du même critique

La Dernière Légion
Yves_946778
3

Heureusement que c'était la dernière....

Prenez 2 comédiens confirmés probablement en délicatesse avec le fisc (Colin Firth, Ben Kingsley). Ajoutez quelques "gueules " qu'on a vues dans la série "Rome" (1) ou qu'on verra ensuite dans "GOT"...

le 18 août 2017

4 j'aime

1

Juré n°2
Yves_946778
7

La justice ou la vérité ?

Un dealer violent est jugé pour le meurtre de sa compagne. Un jeune juré, futur papa, réalise avec effroi qu’il est le vrai responsable de la mort de la jeune femme, et que l’accusé est donc innocent...

le 9 nov. 2024

1 j'aime

True Detective
Yves_946778
9

C’est long mais c’est bon.

D’abord, on se prend le générique dans la tronche. En 2014, on n’avait pas fait mieux.L’intrigue de la saison 1 met en scène deux flics enquêtant sur le meurtre (apparemment rituel) d’une jeune fille...

le 10 nov. 2024

1 j'aime