Quand je vois ça, j'ai envie de dire merci, merci pour ma cinéphilie, merci pour l'audace du genre, merci pour Bernie, pour Ennio, pour Gilles Vranckx (dessinateur des trois affiches), merci de conserver une équipe qui marche et une méthode que nul autre n'a (par exemple, de filmer les acteurs selon le cadre et non l'inverse), merci pour cette épreuve corse. Je défends les films qui ont une idée, un plan. Même si ici cela reste esthétique. La fusillade au milieu du film, avec les temps resserrés, qui vont, qui viennent, elle tend le film. Puis il se re-détend. Bref, je suis gêné par des trucs. Mais ce sont des trucs, et jamais, ô grand jamais je ne dirai lesquels, parce que c'est merci qu'il faut ressentir. Au diable la cougar Tarantino, vive les 70's. Ces cinéastes ouvrent des portes. Plus ou moins bien, je le concède, mais ils les ouvrent. C'est du cinéma d'essai - chose qui ne passe plus trop dans les salles d'... art et d'essai.


Le film a été vu en AVP en présence du réalisateur, de la réalisatrice et du monteur - montage qui n'est pas négligeable encore une fois ici.


Maintenant je vais répondre à deux critiques infondées.


La critique selon laquelle le film manque de fond ou "d'intérêt" est injustifiée. L'intérêt c'est de faire un cinéma bis de genre en France, un truc qui peut évoluer et faire mémoire. Bref si on ne voit pas l'intérêt c'est que vraiment on a une mémoire de snob ou qu'on ne veut voir que ce qu'on veut. J'ai lu que : "Les séquences s'enchaînent, se heurtent, sans logique apparente, du à l'inconsistance des personnages représentés,"


En fait, l'inconsistance est voulue car les personnages sont des roues libres, ils sont définis par leurs actions, leurs choix et non par ce qu'ils sont. (d'où les fourmis à plusieurs reprises dans le film). Manchette était comportementaliste, donc cela explique cette volonté de ne rien laisser filtrer de psychologiques ou de compréhensibles.


Ce film n'est pas un clip à la recherche de l'image choc. Les réalisateurs ne cessent de rendre hommage à un style, à une époque et à une méthode où effectivement la forme l'emporte sur le fond. C'est un travail plastique. Presqu'une impression sur rétine, une hypnose cinématographique. Tous leurs films sont calqués sur cette méthode singulière et audacieuse. Donc oui, dans une certaine mesure, il s'agit de chercher la photo, le cadre plus que l'émotion, le jeu ou même ce que ça raconte. C'est une plastique. Tous les bons réalisateurs ont une plastique. Considérer qu'ils s'amusent à faire un clip, ce n'est pas très juste étant donné qu'ils cherchent surtout un motif visuel où la redondance devient une force (j'aurais juste souhaité que cette force fusse progressive, crescendo).


Je mets 6 parce que c'est une bonne note à mon sens mais j'ai préféré des oeuvres antérieures d'une part. D'autre part, le propos du film (je ne parle pas de son intérêt qui est, lui, tout tracé) est assez mince avec un background cinéphile sans trop de référence (même si le Tarantino et le Sergio Leone est bien présent, l'ambiance polar Manchette aussi.... mais "L'étrange couleur des larmes de ton corps" était plus intéressant à imbriquer dans l'univers du giallo... Mais peut-être qu'un amateur de western dira que je me trompe !). Il pourrait valoir 7, oui.


Pour moi, ça ne se voit qu'au cinéma. C'est sa force et sa faiblesse : c'est une passion visible, et d'ailleurs quand on les entend causer, Cattet & Forzani parlent à la fois en professionnels mais aussi en adolescents qui jubilent. C'est le parfum des jeunes poètes. Et j'aime aussi leur manière de s'adresser aux autres et de parler entre eux. Ça n'a pas trop d'intérêt sur un écran moindre. Ce sont aussi des cinéastes qui pensent d'abord le bruit, puis après l'image. C'est dire l'importance de la salle. C'est vraiment une pièce de cinéphile.

Andy-Capet
6
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le 25 oct. 2017

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Andy Capet

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