Las Vegas Parano par Miroir-rioriM
Hey ! Mais c'est pas si mal que ça, en fait ...
Je m'attendais à voir un mauvais film pour pseudo-rebelles en culotte courte qui pensent que la liberté passent par l'aliénation à un produit, malgré les critiques positives que j'en avais entendu, une sorte de Very Bad Trip de luxe, mais je suis tombé sur quelque chose de bien différent.
Alors, évacuons tout de suite les malentendus et clarifions la situation : je n'ai jamais touché à une drogue, je ne bois pas, je ne fume pas et j'évite même le café, tout me prédestinais donc à haïr ce film. Donc la lecture du film par le côté " Wow, cé tro kewl, ils sont défoncés, nous aussi, lol", poubelle directement.
On va quand même commencer par la forme : c'est très réussi, mais je pense que tout le monde l'aura remarqué.
Toute la réalisation nous plonge profondément au sein du délire psychédélique de Duke. Tout concorde à nous embarquer, et ça ne manque pas. Même sobre. Le cadrage un peu bringuebalant, loin de gêner, réussit pour une fois à me convaincre ( et j'y suis pourtant particulièrement allergique ). La mise en scène aurait peut-être pu bénéficier d'un poil plus de soin, mais c'est compensé par la traduction des hallucinations, que je pense réussie.
Le film développe tout un arsenal d'hallucinations qui réussissent pourtant à garder une certaine cohérence esthétique, même si on peut difficilement parler de film "beau". Le film possède une teinte particulière, dont le ton est à mon avis donné par les magnifiques lunettes de Johnny Depp.
Je n'ai pas trouvé la B.O transcendante, mais pour le coup, c'est sans doute une question de goût.
Les acteurs sont très convaincants dans leur rôles. Johnny Depp apparait à la fois totalement cinglé, mais parfois attachant. Et personnellement, la prestation de Benicio Del Toro a plusieurs fois réussie à me transmettre le côté totalement malsain du personnage.
Les personnages ne sont pas inintéressants en eux-même, loin de là. Mais si l'on apprends à peu près tout du fameux Gonzo, j'aurais aimé en savoir plus sur le personnage de Duke qui garde tout son mystère ... et c'est carrément rageant.
Las Vegas Parano, et c'est là le point qui m'intéresse le plus car ça fait grimper le film d'un net cran, ce n'est pas qu'un délire réussi, ou une expérience marrante, c'est aussi une œuvre "sensible" et intéressante de part les thèmes qu'elle aborde.
L'ambiance du film est assez inimitable. Loin des succédanés pour ados décérébrés qu'on a pu voir fleurir ces derniers temps ( Very Bad Trip, Projet X pour ne citer qu'eux ), Las Vegas Parano se paie une véritable ambiance, terriblement loufoque et adaptée au film, qui d'ailleurs tranche nettement avec le fond du film.
Et on a même quelque passage un peu plus délicat qui font preuve de sensiblerie. Ils ne sont d'ailleurs pas nombreux, je crois : un au début, un au milieu, un à la fin. Mais ils suffisent amplement à dévoiler ce qui se cache derrière ce gigantesque trip.
Tout au long du film est distillé pas très discrètement ( et pourtant, j'ai l'impression que peu de monde le relève, c'est donc que ça devait être encore trop discret ) des références aux quatre thèmes centraux du film, qui sont tous plus ou moins imbriqués : la guerre du Vietman, la révolte des années 60, la fuite par la drogue et l'american way of life.
La guerre du Vietman, ça commence dès l'introduction, et c'est transmis par petites touches par la télé. Et j'ai dû attendre le milieu-fin du film pour voir le lien avec nos deux personnages. Une phrase. Une seule phrase, et ça suffit pour tout dire.
La révolte des années 60, j'ai trouvé la lecture particulièrement intéressante, étant donné que ça ne s'attachait pas à ces années en elle même mais au "reflux" comme le dit si bien le narrateur. L'égoïsme des leaders de l'époque, le caractère éphémère du mouvement, le tout mêlé à l'impression de liberté, et à la volonté de contestation. Pas manichéen pour un sous, pour une fois.
Il y a une attaque un peu détournée de l'American Way of Life, à mon avis, qui s'éloigne un peu de sempiternels discours moralisateurs pour emprunter une voie toute en évocation : drapeaux américains à tout va, cigarettes, Las Vegas, vendeurs désabusés, armes proéminentes et permanentes, invectives de deux protagonistes... Et puis pareil, une ou deux phrases claires qui suffisent amplement à tout dire.
Enfin, on a bien sûr le côté de la fuite éternelle par la drogue, assez prononcé bien que rarement dit clairement, hormis vers la fin.
Et franchement, c'est ÇA qui fait tout le film. Cet ensemble de thème intéressant et traité comme je l'aime. Le trip de deux heure est bien gentillet, mais ça l'aurait cantonné à une expérience, c'est tout. Un exercice de style.
Le scénario est totalement incompréhensible. Je ne sais pas s'il est réellement possible de retranscrire une ligne claire de ce qui se passe, et pourquoi, d'ailleurs. On ne sait jamais vraiment ce qui appartient au domaine de l'hallucination de ce qui appartiens au monde réel. Mais bon, ce n'est pas trop gênant, car ça plonge encore plus le spectateur dans l'ambiance de nos deux compères. Et pourtant, il y a quelques éléments du genre de la fille font un peu "prétexte pour continuer", et qui sont tout de même gênants.
J'ai par contre assez peu apprécié le passage du congrès de policiers, un peu lourd à mon goût de par son principe, bien que peut-être nécessaire et surtout rattrapé par l'ironie joyeuse du comité contre la drogue dirigé par des mecs qui fument comme des pompiers.
Au final, Las Vegas Parano est une bonne expérience qui a pourtant oubliée d'être conne. À l'instar des deux lurons, le film semble se cacher derrière l'humour, la forme par ailleurs très réussie, le trip, l'expérience. Ça manque parfois un peu de subtilité, et j'aurais aimé 10 minutes de plus dans le genre de la pause du milieu de film, et plus de phases de "sorti de trip" pour appuyer sur le fond du film, mais c'est déjà très bien.
J'ai longuement hésité entre 7 et 8 ... j'ai tranché vers le haut en partie car je trouve la communauté de SC un peu sévère pour le coup ( pas la note globale, mais les critiques mises en avant, en fait ). Non, Las Vegas Parano n'est pas qu'un film pour camés.
( et pourtant, quand je vois les critiques des notes positives, ça ne me donne absolument pas envie de le soutenir ... )